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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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parler de mon ménage. Il me dit :
- Oh ! vous me faites regretter ce que j'ai fait. Oui, j'ai peut-être refusé le bonheur. Pour garder mon indépendance, j'ai refusé l'amour d'une jeune fille qui s'offrait à moi. Et puis, je me trouvais ridicule d'être ainsi aimé, elle, je la trouvais godiche de m'aimer avec cette béatitude. Près de moi, elle ne disait rien. Oh ! que nous avions l'air bête !
Et il trompe la faim de son coeur avec l'affection qu'il a pour sa soeur et des maîtresses, de charmantes Parisiennes, dit-il, « qui ne sont pas encore courtisanes et qui, après moi, vont le devenir ».
Il voudrait gagner 3.000 francs. Avec les 3.000 de rentes qu'il a déjà, ça lui ferait 6.000. Avec ça un garçon peut vivre.
- J'te crois !
Un de ces types de forgerons qui font paraître sale le blanc des cols de chemises.
6 avril.
Je cours les dangers du succès. J'espère bien en sortir vainqueur, c'est-à-dire dégoûté.
Avant d'écrire, se mettre sous pression.
8 avril.
- Est-ce vrai, dit Baïe, que, quand on est soldat, on ne peut pas se moucher ?
Tous, ils voudraient évidemment avoir du génie, mais ils aiment mieux gagner 500 francs par mois.
    - Mon cher, dit Capus, les acteurs, pour se faire comprendre, ne se servent jamais des mêmes mots que nous.
Aux acteurs il faut un grand rôle avec de toutes petites répliques.
Les hommes de lettres ont fait le tour des idées, et ils finissent par se marier avec de pauvres petits bouts de femmes laides.
Le monocle, une vitrine de ventre.
- Je veux qu'on me prenne pour un quadrupède, dit l'autruche.
Bucoliques. Aller au bois n'a pas tout à fait le même sens à Chaumot qu'à Paris.
Son coeur est un cactus hérissé de poignards.
C'est écrit sur de la toile cirée.
Au restaurant, Maurice mange toujours un boeuf gros sel, un fromage, et le garçon mélancolique lui demande, à chaque repas :
- Qu'est-ce que monsieur va prendre ?
Oh ! oui, j'étais terrible ! Je demandais aux grands hommes leur photographie, avec un tremblement dans la voix.
Le Plaisir de rompre, ça devrait se passer sur un éventail.
- Je vous dis ça à vous.
- Oui, pour que je le répète aux autres.
    Elle a ri, elle a ri ! Il n'y avait pas moyen de la consoler.
Légende : C'est un auteur qui ne tire pas à conséquence.
L'allemand, c'est la langue où je me tais de préférence.
Il choisit de ridicules chapeaux étroits pour se donner l'air d'avoir une forte tête.
Le soleil, si éclatant qu'on ne le voit pas.
Il faut être précis jusqu'au romantisme.
La joie rend impuissant.
Le petit Rostand regarde une pendule carrée : c'est la maison de l'heure.
Il se mange les lèvres comme du grillé de porc.
Le jour où Fantec a été mordu par un chien, toute la matinée il avait pâli sur le verbe « mordre ».
De grosses gouttes de pluie toutes blanches, des gouttes de foudre.
La prudence n'est qu'une qualité : il ne faut pas en faire une vertu.
La poignée de main lointaine d'une femme qui ne veut pas qu'on l'embrasse.
9 avril.
Dans le bois, les sapins font bande à part, comme des prêtres.
10 avril.
Hier soir, chez Mme de Loynes, les rayons Roentgen.
    D'abord, ce garçon me demande-t-il : « Faut-il annoncer monsieur ? » ou « Qui faut-il annoncer ? » Je réponds, toujours avec un plaisir secret : « Jules Renard. » Et une voix formidable crie : « Monsieur Renard ! » Et je n'entends pas crier d'autre nom. Ce serait drôle qu'on n'annonçât que moi.
- Je crois toujours que Poil de Carotte va entrer, me dit Mme de Loynes.
Dit bonsoir à Sarah Bernhardt qui ferme à demi ses petits yeux de lama pour n'avoir pas l'air de me voir. Décidément, cette grande actrice me devient insupportable, comme le monde. Je n'aimerai le bon Dieu que s'il est modeste et simple. Et puis, elle vit trop pour avoir le temps de penser ou de sentir. Elle avale la vie. C'est de la gloutonnerie déplaisante.
Les rayons Roentgen, une plaisanterie enfantine. Ça me rappelle les expériences de chimie puérile de mon professeur Ratisbonne. C'est beaucoup moins joli qu'un rayon de soleil. Derrière l'écran, le professeur qui dit de temps en temps : « J'ai fait cette découverte », fait passer des boîtes, des mains, des bras, des animaux empaillés, un petit chien vivant, une tête, une poitrine d'homme. Ce qu'on voit le mieux, c'est les boutons de manchette.
Oui, oui ! Ce qu'il y a de plus sérieux dans le corps humain, c'est les boutons de manchette.
On a photographié le squelette de la main de Sarah Bernhardt.

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