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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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dans l'arbre de ma vie
Et me fait la grimace au plus haut de ses branches.
L'épée de Damoclès : la suspension à la mode du temps.
Il se souvenait avec goût. Dans ce qu'il avait vu le choix se faisait tout seul. Il ne se rappelait que l'essentiel.
17 mai.
Faire quelque chose avec la peur de tuer un veau, un chien, un oiseau, un insecte, une fleur, un légume, une herbe vague, et de marcher sur la terre.
Un souvenir sur Léonide Leblanc. Comme on me présentait à elle, elle dit :
- En effet, ce n'est pas un petit jeune homme.
    Et, gauche, les mains sur les genoux, je subissais l'examen de cette grande cocotte à l'oreille mal faite, qui voulait bien me prendre sous sa protection.
Rousseau converse avec son âme et Goncourt plutôt avec le petit esprit de ses voisins. Jean-Jacques se sent vieux, mais, décrépit, il se préfère aux jeunes gens qui sont en bonne santé.
Les petites bobonnes. - Celle qui se saoule, allume son feu, casse le charbon avec une bouteille d'absinthe, est aveuglée par la fumée et roule des yeux blancs.
Celle qui donne mes cordelières à son frère.
Celle qui s'en va sans rien dire.
Ma littérature, c'est comme des lettres à moi-même que je vous permettrais de lire.
On écrit toujours ses livres trop tôt.
Il fait calme : mon paysage est au fond de la mer.
21 mai.
Jean Lorrain :
- Oui, j'ai eu beaucoup de reconnaissance à François Coppée. J'aurais voulu le lui montrer, mais, quand je suis arrivé pour déjeuner, il y avait là Jean Blaize, Abel Hermant... et je n'ai pu que dire à Coppée :
- Je ne sais comment vous remercier.
Je crois qu'il m'a répondu
- Mais comment donc ! C'est bien le moins.
    Son article a illuminé la vie de ma mère. Je tenais la pauvre vieille un peu à l'écart, non de mon coeur, mais de ma pensée. Sans doute elle serait morte inquiète, avec des doutes sur son fils qui aimait trop les livres. Maintenant, grâce à l'article du grand poëte, de l'académicien, surtout, la voilà rayonnante pour toute sa vie.
Hier, à la Société des gens de lettres, Maël et Rameau, tous deux boiteux, mais d'une jambe différente, se complétaient fort bien pour danser la polka piquée. Il y avait aussi une jeune confrère, jolie de loin et coquettement mise ; mais, quand on s'approchait, on était choqué par son nez, pointu et blanc ; on ne voyait que lui. Il semblait avoir été pincé dans tous les livres d'une bibliothèque, et il défendait la bouche contre la menace du baiser.
Il y avait de vieilles femmes qui disaient :
- Moi, je ne manque pas une réunion. Je considère cela comme un devoir, et, tout ce que je fais, je le fais sérieusement.
Un vieux noble avait des bagues vertes aux doigts et un foulard rouge autour du cou. Alph. Labitte écartait désespérément sur son crâne une dernière mèche de cheveux. Ernest Daudet, à qui l'on ne faisait que parler de son frère, répondait d'un ton compassé et élogieux, en regardant le plafond. Un autre demandait qu'on organisât, de temps en temps, « des petites réunions de famille ».
Jean Aicard se promenait, le buste droit et l'oeil franc.
    Il ressemblait au jeune frère du Maître de forges, moins gras, moins grand que l'autre, mais pouvant s'écrier enfin :
- C'est mon tour !
Ce gros parapluie que semble être un curé dans la campagne.
Fantec appelle une allée de grands arbres un tunnel vert.
Un orage comme on n'en avait pas vu depuis plus de trente ans, comme tous les orages, enfin.
L'azur : « Je suis la grande fleur bleue. »
Les feuilles toutes fleuries de pluie.
Un pigeon se posa sur ma fenêtre et s'envola avec un bruit de serviette claquante.
Une de ces têtes couleur de son qu'elle semblait avoir ramassée dans le panier de justice.
23 mai.
Elle aimait à regarder la campagne à travers des yeux qui pleurent doucement.
Vraiment, ce petit M... que d'intelligence et de prétention : il ignore qu'il ne faut ni trop aimer Ibsen, ni trop mépriser Sarcey.
25 mai.
Il disait modestement : « Il y a en moi du Rousseau et du Voltaire. Il s'agit seulement de savoir qui, des deux, l'emportera. »
Mon coeur était pour vous comme une chaudière brûlante, mais, d'une main maladroite, vous avez renversé la vapeur.
    - Mais oui, Fantec, les arbres vivent.
- Mais ils ne vivent pas autant que moi, dit-il.
26 mai.
Si vous saviez comme je me sens bon quand je suis tout seul, comme j'ai toujours de bonnes relations avec moi !
Hier, comme je corrigeais au Figaro les épreuves de La Promenade du chien, Bernard Lazare

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