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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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stores qui marcheront quand on aura donné un peu d'air, et la pompe qui donne 500 litres d'eau par 24 heures et qui coule à peu près comme un nez pris, et le : « D'ailleurs, si vous avez besoin de quelque chose, vous n'aurez qu'à le demander. »
7 mai.
Une jeune femme :
- C'est joli, tout de même, des soldats en tenue de campagne. Et puis, la musique les aide à avaler la poussière.
    L'amour du drapeau, de la patrie, c'est que ce petit soldat perdu dans les rangs, qui traîne un pied, et dont la figure reluit de cambouis, se croit regardé comme s'il était colonel à cheval.
Cette jolie idée de Saint-Pol-Roux que les arbres échangent des oiseaux comme des paroles.
Les oiseaux qui mâchent dans leur bec des brins de paille musicaux.
Le petit coq qui mène toute la bande comme un marquis, et ce petit chien ! Monsieur, vous secoueriez votre pipe sur le mur qu'il vous entendrait, et vos coups de pied ne le feraient pas reculer.
Cela fait peur comme le vent qui soulève les vieilles tapisseries.
Il faut bien laisser refroidir sa prose, comme une crème avant d'y goûter.
Si j'étais très riche, je louerais, pour le plus dur soir d'hiver, le plus vieux des manoirs, et j'y lirais, à la clarté d'une chandelle, les aventures de d'Artagnan, ou celles, moins populaires mais plus admirables, de Sigogne du Capitaine Fracasse.
8 mai.
- Mais, monsieur, si l'orage faisait tant de victimes, il y aurait déjà, dans les bazars de Paris, des paratonnerres à vingt-neuf sous !
Il ne fait que cracher, et pourtant il ne méprise personne : il est asthmatique.
    9 mai.
Quand le merle voit les vendangeurs entrer dans la vigne, il s'étonne surtout de les voir qui n'ont pas, comme lui, peur de l'épouvantail.
A Fantec :
- Comprends la vie mieux que moi, moins petitement, et garde toujours ta pensée à la hauteur des arbres.
Rêve de grandes choses : cela te permettra d'en faire au moins de toutes petites.
Un sommeil d'enfant que ne troubleraient pas même des cris d'enfant.
11 mai.
Ces locations meublées si douteuses qu'on y coucherait dans des journaux, et qu'on en étale partout.
J'écris tout de même de gentilles lettres. Si les gens savaient, ils voudraient ne jamais me connaître que par correspondance.
Il faut que notre Journal ne soit pas seulement un bavardage comme l'est trop souvent celui des Goncourt. Il faut qu'il nous serve à former notre caractère, à le rectifier sans cesse, à le remettre droit.
Elle donnait volontiers un sou à son pauvre, mais il devait ne venir qu'une fois par semaine. Avec un sou, n'est-ce pas ? un pauvre, quand il est seul, peut bien vivre huit jours.
Il y a, sur ma table, des pensées dans un verre à champagne. Ce doit être un symbole. Il faut faire la noce de temps en temps pour épurer l'intelligence.
    - Papa, dit Fantec, est-ce vrai que le bon Dieu entend tout ?
- Oui, Fantec.
- Eh ! bien, il ne doit pas être sourd !
M. Rielter, qui est un peintre « connu », mais qui est surtout mon propriétaire, me refuse des casseroles, et je le menace de l'huissier. Bien que ces petits ennuis me rendent malade, je les adore parce qu'ils me donnent l'illusion d'une lutte pour ma vie. C'est bon, de ne pas regarder à la dépense de son énergie !
Les plus hautes feuilles des arbres impalpées.
Notre amour de la campagne : un feu de paille rural.
Mon âme, qui a glissé sur toutes les pentes, est déchirée et rapiécée comme un fond de vieille culotte.
Les lys noirs des cheminées.
Et des cheveux comme peuvent, seuls, en avoir au derrière quelques chevaux hors de service et particulièrement négligés.
14 mai.
Don Quichotte, c'est une fièvre chaude.
15 mai.
D'une nature confiante, il voyait trop vite l'envers de tout.
Je me plains, et je viens de voir un petit enfant qui a une jambe de bois et qui frappait durement la terre par rage de ne pouvoir suivre les autres.
    Inventeur de la ligne-parasol qui permet de se tenir à l'abri du soleil tout en prenant du poisson.
16 mai.
Il ne suffit pas d'être heureux : il faut encore que les autres ne le soient pas.
Ce qui est long et difficile, c'est de se mettre en état d'esprit, de créer l'atmosphère de ce qu'on va écrire.
Mon rêve d'hier renaît aujourd'hui de ses cendres, et, tout entier, je brûle d'une douce flamme. J'oublie mon corps, le monde et mes manies : celle de gagner de l'argent, et celle de friser ma moustache. Tout à coup midi sonne. Il me faut aller déjeuner, m'emplir le ventre, faire la bête, etc.
Mais un singe a grimpé

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