Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
Vom Netzwerk:
copieux.
    D'abord, du vrai vermout, puis de la vraie soupe, du vrai ragoût, de l'omelette vraie, puis du café et du cognac. Et ils mangeaient des mots, ils ne savaient plus que dire. Ils se voyaient au souper de la centième, et, de temps en temps, on entendait : « Passez-moi le sel. » Et le souffleur, jaloux, soufflait comme une sirène, mais inutilement.
Un tuyau du calorifère avait crevé, et ça empestait le charbon.
Et, comme c'était une représentation au bénéfice d'une oeuvre anglaise, il n'y avait que des Anglais qui ne comprenaient pas un mot et attendaient Miss Helyett.
On joua d'abord l'hymne russe, l'hymne anglais et La Marseillaise.
Un monsieur, auteur dramatique du pays, nous dit que c'était une belle tranche de vie, qu'il connaissait ça, que c'était du bon Théâtre libre, mais que ça ne prendrait pas.
Le petit homme disait : « Ma petite femme », et la petite femme disait : « Mon petit homme. » En hiver, ils mangeaient dans la cuisine sur une grande table en bois blanc, auprès d'un fourneau admirable d'éclat, soigné, frotté, relié ! Et, le matin, ils mangeaient des bonnes pommes de terre avec du veau dans son jus, et, le soir, ils remangeaient du veau froid avec de la salade huilée et juteuse. Le petit homme était photographe : il faut bien vivre, mais il troussait des articles et les lisait à sa petite femme avant de les envoyer au journal de la ville.
    Il avait aussi été ténor pendant quatre ans. C'est si amusant, de voyager ! Il n'avait pas une forte voix : il avait une voix juste. Sans se croire un phénix, il avait conscience de sa petite valeur, et l'idée ne lui entrait pas dans la tête qu'un jour il pût être sifflé. Ça lui arriva à Cherbourg. Il y jouait depuis quatre mois. Il semblait être aimé du public, quand des officiers, des brutes... Ce fut fini. P'tit homme se sentit cassé. Il eut une maladie d'estomac et ne joua plus.
Maintenant, il ne fait plus que de la photographie. Pourtant, il fait autre chose : un eczéma. C'est son malheur. Ça l'a pris on ne sait comment. Toujours la vermine l'a adoré. S'il y avait une puce sur un chien, c'était pour lui. Mais est-ce de la vermine, l'eczéma, ou est-ce que ça vient du sang ? Il a pris des dépuratifs : rien n'y fait. Il s'enduit de pâtes. Parfois, résigné, il ne s'en occupe plus, et ça disparaît, mais ça revient avant qu'il n'ait eu le temps de se réjouir. Il ne fait que se regarder dans la glace.
- Avez-vous remarqué, dit-il, quand vous êtes entré, que je ne vous ai pas tendu une main fraternelle ?
Il n'ose plus rectifier les têtes de ses clients. Il s'approche, avec des mains lépreuses, d'une demoiselle pour lui placer la tête : elle recule et fait la moue. Les yeux enflammés, il répète : « C'est dégoûtant ! » Pour se réhabiliter, il ajoute : « Par exemple, quand on a ça, on n'a pas autre chose. Ainsi, j'avais une maladie d'estomac : elle est partie.
    Me voilà garanti contre n'importe quoi. » Et il cite Raspail.
Raspail commence à faire autorité dans les provinces.
29 janvier.
Pâle, comme si elle se nourrissait de neige.
31 janvier.
Hier soir, entre Capus, Muhlfeld et moi, la conversation a roulé - au risque de les aplatir un peu - sur l'extraordinaire habileté marchande des P... et des V... Ils offrent des volumes dédicacés même aux petites vendeuses des gares. Ils sont du dernier bien avec Achille. Ils font des voyages en Allemagne, en Angleterre, en Danemark même, pour surveiller la vente, etc., etc. Et ils envoient aux critiques des exemplaires sur vélin avec marge.
Le mal, c'est qu'ils donnent aux éditeurs des habitudes d'indifférence. Confiant en son auteur, l'éditeur ne s'occupe plus de rien.
1er février.
Comme la neige serait monotone si Dieu n'avait créé les corbeaux !
J'aime à sortir par ces temps froids où il n'y a de monde, dans les rues, que le strict nécessaire.
3 février.
Mme Adam. Je la voyais moins jeune. Parle de son rôle, dit « Gallifet et moi ». Voit parmi nous une vingtaine de jeunes qui peuvent l'aider à reprendre l'Alsace et la Lorraine. Se plaint du lâchage d'anciens collaborateurs.
    En veut à la Revue de Paris et s'excite à rire de mes anecdotes pointues sur Ganderax.
Je me présente à Bauër. Il est gros, plein d'art et revenu de tout. Il me dit que je l'irrite. Il ajoute : « C'est ce qu'il faut. » Il défend mollement Strindberg et fait la roue en parlant du Plaidoyer d'un fou que Strindberg lui a dédié. Mais que nous

Weitere Kostenlose Bücher