Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
Vom Netzwerk:
ennemis. C'est maintenant moi le plus fort. De ces bras dont je l'enlaçais passionnément, je la jette à terre, l'écrase ; je la piétine, et je lui broie la figure sur les carreaux de la cuisine.
Mon père inattentif continue de lire son journal.
Je jure que, si je savais que cette nuit encore je ferai ce rêve, au lieu de me coucher et de m'endormir je m'enfuirais de ma maison. Je marcherais jusqu'à l'aurore, et je ne tomberais pas de fatigue, car la peur me tiendrait debout, tout suant et tout courant.
Le ridicule au tragique : ma femme et mes enfants m'appellent Poil de Carotte.
    19 octobre.
En escrime, la mauvaise foi disparaît dès qu'on a l'avantage.
Ne m'a-t-on pas toujours dit que je devais me mettre dans la peau de mes bonshommes, et ne m'est-il pas plus simple de rester dans la mienne ?
Le plaisir de se désenthousiasmer.
20 octobre.
Un homme actif comme s'il était plusieurs.
21 octobre.
Heures tristes où il semble qu'on travaille dans un tunnel glacé.
Il ne reste que du blé pur dans le van, comme la perle dans la coquille.
- Qu'il te suffise, disait-il à sa femme, qu'en réalité je te sois fidèle ; mais permets-moi au moins les apparences d'un mari qui trompe sa femme.
Quelquefois il me semble que du doigt je touche la vie.
22 octobre.
Comme préface, se mettre devant sa glace, tirer son âme au jour et faire son portrait. Intituler ça Ma Psyché et en faire un livre à 4 francs pour Le Mercure de France.
Ma Psyché. - Eh ! bien, non ! Je n'aime pas ma femme. Je n'aime pas mes enfants. Je n'aime que moi. Il m'arrive de me demander : « A leur mort, qu'est-ce que j'éprouverai ? » Et je n'éprouve rien, du moins rien par avance, rien, rien.
    23 octobre.
Maman à notre départ, remet une caisse à Marinette. Il y a un poulet, du beurre, des fruits, et elle dit :
- Surtout, renvoyez-moi bien, la caisse ! Soignez-la bien !
Et elle fait l'éloge de sa caisse.
Elle sait bien que Marinette la lui renverra, avec du café, dedans, et de bonnes choses de Paris.
24 octobre.
A chaque instant j'ai envie de m'enfuir à l'appel d'une autre femme qui me ferait signe, et que je rencontrerais dans un parc, et qui lirait un livre sous de grands arbres.
Est-ce que je n'ai pas honte d'avoir cru jusqu'ici que le bonheur est dans la médiocrité ? Et c'en est une de bourgeois, une médiocrité de saint.
26 octobre.
Il faudrait écrire en patois comme Rabelais ou Montaigne.
27 octobre.
- Mon chef-d'oeuvre, dit-il, on ne le connaîtra que plus tard : c'est ma correspondance.
Ma Psyché. Le travail. - Quand je marche, je marche comme une montre, mais je m'arrête souvent.
En il me parlant, il m'envoie un postillon énorme, presque un crachat, il ne l'essuie pas. Je ne l'essuierai pas non plus. Je me venge en ne l'essuyant pas, et il faut qu'il continue de me parler, l'oeil attiré par son crachat qu'il ne peut éviter : il y a quelque chose entre nous.
    28 octobre.
Relie par des rêves bien dirigés le travail du soir au travail du matin.
Il m'arrive d'avoir conscience que je deviens un melon d'orgueil, une citrouille de vanité.
Ma Psyché. - Je sens que je deviens de plus en plus artiste et de moins en moins intelligent. Certaines choses que je comprenais, je ne les comprends plus, et, à chaque instant, de nouvelles m'émeuvent.
1er novembre.
Ma Psyché. - Me traite-t-on assez d'observateur ! Et rien ne m'ennuie autant que d'observer. J'ai la timidité de voir. Chaque nouvelle relation m'effraie. On me dirait : « Allez à droite, et vous rencontrerez un beau type d'humanité », que je ne me dérangerais pas de mon chemin. Je subis les « choses vues », mais je ne les recherche pas.
2 novembre.
De vieilles femmes qui sirotent leur conversation.
Les Cloportes. Les récrire.
Lettre de Poil de Carotte à M. Lepic sur ce qu'il pense de la mort.
3 novembre.
Des vers, des vers, et pas une ligne de poésie.
Parfois Baïe me parle avec une telle gravité que je lui réponds comme un domestique de grande maison.
    Si l'on donnait des ailes à l'homme pour voler dans l'infini, il ne se sentirait plus que des goûts de cul-de-jatte.
5 novembre.
M. Robert de Flers me dit que Coppée a fini par écrire à Ernest La Jeunesse une lettre plate comme l'eau, où il lui dit que sa vieille gloire finit par s'incliner devant sa jeune aurore.
Ah ! si l'on m'avait dit qu'un jour Remy de Gourmont ferait de moi un portrait symboliste !
6 novembre.
- Eh ! bien, papa, dit Baïe, si tu ne travailles pas, nous ne gagnerons jamais le gros

Weitere Kostenlose Bücher