Julie et Salaberry
débarrasser de la fâcheuse mauvaise impression que lui causait toujours sa présence?
â Je vous remercie, mais jâai à faire, répondit Rouville qui semblait pressé.
â Quand retournez-vous à Chambly?
â Pas avant demain. Jâai dâailleurs une petite affaire à régler là -bas avant de commencer à recruter, soupira-t-il avec exaspération, lâair de dire quâon lâaccablait. En attendant, je présume que vous avez une lettre pour ma sÅur?
à la pensée de Julie, le visage de Salaberry sâéclaira dâun grand sourire. Il tira effectivement une lettre de sa veste quâil remit à Ovide.
â Merci de me rendre ce service.
â Puisque câest ainsi, dit alors Viger, je vous invite chez nous, major. Madame Viger se fera une joie de nous faire servir à souper.
â All right! Jâaccepte avec plaisir.
â Messieurs, je vous souhaite bon appétit. Viger, ne corrompez pas mon futur beau-frère avec vos gauloiseries, ironisa Ovide avec un air de faux dévot. Rappelez-vous quâil épouse ma sÅur.
â Nâayez crainte, Rouville. Je suis moi-même bien placé pour connaître les responsabilités du mariage.
Ovide reprit sa monture et se dirigea vers lâouest de la ville, un sourire de satisfaction flottant sur ses lèvres minces. Enfin, un titre honorable! Et un pas de plus vers la conquête dâEmmélie Boileau et sa belle dot. Capitaine chez les Voltigeurs, beau-frère de Salaberry⦠à bien y penser, il y avait là de quoi faire saliver le sieur Boileau qui nâen serait que plus pressé de lui livrer sa fille.
Dâailleurs, ils étaient devenus presque intimes, Boileau et lui, depuis quâil lui avait habilement suggéré lâidée du barrage. «Ce pont vous appartient et vous rendez service à tous en lâentretenant. Puisquâil passe sur le chemin du Roi, il devrait vous rapporter quelque chose», avait-il insinué à lâoreille attentive du bourgeois. Avant que le colonel de Rouville ne fasse intervenir le capitaine de milice, Boileau avait eu le temps de ramasser un petit pécule. Ovide ne doutait plus quâil viendrait à bout de la résistance dâEmmélie, en se servant du père. Décidément, ses affaires allaient bon train.
Mais en attendant de prendre épouse, un homme devait trouver de quoi contenter sa nature, nâest-ce pas? Or il était plutôt las des soubrettes et des servantes. Récemment, une de ces garces sâétait plainte à son maître et ce rustre, pourtant une vieille connaissance, lui avait interdit sa porte. La fille sâétait tout de même retrouvée à la rue, bien fait pour elle!
Ovide avait déjà fait connaissance dâune veuve, une libertine que fréquentaient un ou deux gentilshommes de sa connaissance. Une courtisane expérimentée au lit, câétait quand même mieux que des petites bonnes apeurées qui ne faisaient que retrousser leurs jupons. Il avait eu du mal à obtenir son adresse pour lui rendre visite.
Il venait de dépasser le faubourg Saint-Laurent pour arriver devant une maison blanche de modestes dimensions. La couleur jaune des portes et des volets était fraîche, les bâtiments adjacents, hangar, remise, glacière, caveau et écurie, semblaient propres, solides et bien entretenus. La demeure se trouvait à lâabri des importuns, entourée dâun jardin et dâun verger bien clôturés qui conféraient à lâensemble lâallure bourgeoise dâune propriété de campagne.
«La belle ne se refuse rien», se dit-il en contemplant le coquet domaine.
Madame de Beaumont avait la réputation de tenir farouchement à son indépendance. Elle menait une vie retirée, mais ne se gênait pas pour fréquenter des endroits réservés aux hommes, si ses affaires lâexigeaient. Sinon, en société, elle demeurait fort discrète et il y avait longtemps quâOvide espérait faire sa connaissance⦠intimement. Une fois ou deux, il avait eu le plaisir de la rencontrer et elle lâavait salué avec amabilité. La diablesse avait du panache! Sâimaginant déjà glisser une main dans son corsage pour tâter un sein épanoui, il était assuré quâelle le recevrait à lâannonce de son
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