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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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par son mariage, elle habitait une petite maison construite sur un lopin de terre cédé par le docteur Talham au jeune ménage, en reconnaissance des services rendus par la domestique qui était entrée chez lui à douze ans à peine. Charlotte aidait toujours aux corvées saisonnières et rendait service en gardant les enfants qu’elle avait connus au berceau. En échange, les Ménard recevaient chaque année un cochon engraissé sur la ferme des Lareau aux frais du docteur.
    â€” M’est avis, madame Talham, que vot’ mère doit en avoir par-dessus la tête des enfants, dit Charlotte. Si vous n’avez plus besoin de moi, j’vais aller voir ce qui en est.
    â€” Nous en avons assez fait pour aujourd’hui, approuva Marguerite en retirant son tablier. Ma mère peut ramener les enfants.
    Comme toujours, madame Lareau s’était échappée de la ferme, pendant que son mari prêtait main-forte à leur fils, Noël. Après l’hiver, mais avant les semailles, il y avait toujours des réparations ou des petits travaux négligés à l’automne à effectuer. Noël, l’aîné des garçons de la famille Lareau, hériterait un jour de la terre familiale. Il venait de se marier avec Sophie Tétrault et le jeune couple s’était installé à la ferme du rang de la Petite Rivière. La cohabitation belle-mère et bru se montrant chaotique, ce qui servait de prétexte à Victoire pour multiplier ses visites chez les Talham. Car elle était fière et se refusait à jouer le rôle de la belle-mère acariâtre auprès de sa jeune bru. Ne voulant pas prêter flanc à la critique, elle se réfugiait chez sa fille aînée où elle se sentait parfaitement à l’aise, laissant ainsi le champ libre à la jeune madame Lareau.
    Ã€ l’intérieur, Marie-Anne dormait dans son berceau tandis que Melchior et Appoline, les grands, avaient pour tâche de retirer les cailloux qui surgissaient mystérieusement de la terre, chaque printemps. Pour ne pas nuire au travail des trois femmes, la grand-mère gardait Eugène et Charles chez les Ménard.
    Marguerite avait remis au lendemain la corvée de la grande lessive, c’est-à-dire faire bouillir tout le linge de la maison et le faire sécher dehors. De son côté, Lison avait entrepris la fabrication du savon, et il fallait ouvrir grand les fenêtres pour aérer. Le gras animal, récupéré pendant l’hiver, avait bouilli avec du lessi, un mélange de cendre de bois et d’eau, et de la résine, ce qui exhalait une odeur répugnante. Ce travail avait occupé la jeune domestique une grande partie de la journée. Charlotte repartie, madame Talham vaquait à l’intérieur et Lison décida qu’elle avait droit à un peu repos.
    Assise sur une des marches menant à la vaste galerie qui entourait la maison, la jeune fille se prélassait sous les chauds rayons du soleil d’avril avant de retourner à la cuisine pour préparer le souper. Sur le chemin du Roi, un cavalier avançait au trot. À la grande surprise de Lison, il mit pied à terre devant la maison et attacha son cheval au poteau prévu à cette fin.
    Lison se releva prestement en replaçant son bonnet et son tablier. Ce monsieur ne lui était pas inconnu, mais elle n’arrivait pas à le situer. Il portait de beaux habits, une redingote bleu foncé dont les longues basques cachaient la culotte, des bottes noires luisantes, une large cravate nouée négligemment sur le col et un chapeau de castor qui avait l’air neuf.
    â€” C’est ainsi que les domestiques du docteur flânent en son absence, dit-il en s’approchant.
    Lison s’inclina dans une révérence respectueuse en ignorant le ton railleur.
    L’homme se planta devant elle et la saisit par le menton qu’il serra fortement entre deux doigts, l’examinant avec une appréciation grossière.
    â€” Joli tendron, observa-t-il en la lâchant alors que des larmes commençaient à couler sur les joues rebondies. Allez, ouste, cesse de pleurnicher et va dire à ta maîtresse qu’un gentilhomme veut lui parler.
    Ã€ moitié morte de peur, la fillette s’enfuit dans la maison en courant. Ovide en profita pour entrer. Il s’était toujours tenu loin des Talham et jamais encore

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