Julie et Salaberry
sâest emparé de la maison de Beauport! Vivement lâarrivée dâÃdouard! Plus encore que mon mariage, la présence de mon frère devrait finir par consoler ma mère.
â Quelles sont les nouvelles à ce propos?
â Aucune. Ce qui est étrange, câest que nous sommes sans nouvelles du duc depuis deux ans. Il faut dire que mon père ne lui pardonne pas dâavoir appris la mort de Chevalier par les voies officielles et, depuis, il refuse de lui écrire. Figure-toi quâil sâest même adressé à Prévost pour le supplier dâintervenir en haut lieu afin de ramener Ãdouard. Depuis, il ne cesse de me chanter les louanges de ce noble gentilhomme.
â Rien pour te plaire, commenta Juchereau-Duchesnay avec un sourire en coin.
â My goodness! Tu me connais bien, Juchereau, déclara le commandant des Voltigeurs en gratifiant son cousin dâune tape amicale dans le dos. Mais je crois surtout que père a inutilement offensé le duc en agissant ainsi.
â Et toi, tu ne te fais aucun reproche?
Juchereau-Duchesnay rappelait ainsi à Salaberry sa lettre rageuse au duc après avoir appris la nouvelle de la mort de Chevalier.
â Jâai agi sous lâimpulsion du moment et je le regrette, fit Salaberry, lâair sincèrement désolé. Mais je vais écrire à Son Altesse Royale pour lui annoncer mon mariage afin dâatténuer la mésentente.
â Et Ãdouard finira par revenir, ajouta Juchereau-Duchesnay.
â Le pauvre! Je ne suis pas certain que ce retour forcé lui plaise. Il commence une brillante carrière chez les ingénieurs royaux.
â Mais songe surtout à ta mère, Salaberry. Elle nâa pas vu grandir Maurice et François. Pour elle, Ãdouard nâest encore quâun petit garçon sans poils au menton. Lorsquâelle sera mieux, Ãdouard pourra repartir. Il nâa pas encore vingt ans.
â Câest pourquoi je prie pour quâil revienne vite. Cela dit, il faut que je te laisse, mon vieux! Ah! Je te jure que je ne sais plus où donner de la tête, se plaignit Salaberry. Sais-tu que je nâai pas revu ma fiancée depuis des semaines? Et nous sommes déjà le 11 avril. Tu arriveras à Québec deux jours avant moi. Pour ma part, jâai rendez-vous avec Prévost le 15. Il me remettra les confirmations officielles concernant les Voltigeurs. Mais partons, je suis en retard!
Salaberry enfila sa veste dâuniforme. à lâangle de la rue Notre-Dame, il continua vers lâouest jusquâà lâéglise du même nom, sur la place dâArmes, Juchereau-Duchesnay se dirigeant vers lâest, à la recherche dâune voiture en direction de Québec.
Au Montreal Hotel , ou chez Dillon, comme disaient communément les Montréalistes, Ovide de Rouville était installé devant une pinte de bière.
â Me voici, fit Salaberry en se laissant tomber sur une chaise de bois cependant quâun homme cintré dâun tablier se présentait à la table.
â I will have the same thing , fit-il en désignant le verre dâOvide. What kind of beer do you have 23 ?
â Nous avons les bières de monsieur Molson, Sir, répondit le commis en français. Je peux vous offrir une bière en fût ou en bouteille: bière forte, ale douce, bière de table ou petite bière.
â Je pendrai une pinte de bière douce, commanda le commandant des Voltigeurs avant dâajouter, à lâintention de son futur beau-frère: Viger nâest pas encore arrivé? Si vous le permettez, Rouville, nous lâattendrons. Ce que jâai à vous dire le concerne également.
Une fois servi, Salaberry resta silencieux quelques minutes en savourant la bière à laquelle il associa un sentiment de réconfort, bien apprécié au cÅur de son existence agitée des dernières semaines.
â Alors, heureux dâêtre au service du roi comme le fut votre père autrefois?
â Au service du roi?
Ovide affichait un manque dâenthousiasme si évident que Salaberry en demeura bouche bée.
Il aurait voulu se persuader que son futur beau-frère était de la même étoffe que le colonel de Rouville, mais il en doutait fortement, comme il doutait des capacités dâOvide à commander. Dire quâil nâavait pas le choix de le compter
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