Julie et Salaberry
bien lââme française du Canadien, fit observer Viger à Rouville en riant. Il peste, il crie, mais avec lui, tout finit toujours par une chanson.
Et il sâempressa de répéter les paroles du couplet afin de les rapporter à son épouse, dans sa prochaine lettre.
Bientôt, on fut en vue de Halfway House, une vieille taverne située au carrefour du chemin de la Petite Rivière et du chemin de Saint-Jean. Aux alentours, les arbres avaient été coupés, dégageant ainsi le terrain afin de permettre aux troupes dây installer leurs tentes. On projetait de construire des casernes sur cet emplacement, mais aucune construction nâémergeait encore du sol lorsque les compagnies de Rouville et Viger arrivèrent sur les lieux.
Au cours de lâété de 1812, les milices dâélite et les corps de volontaires comme les Voltigeurs étaient appelés à couvrir le territoire au sud de lâîle de Montréal. Des cantonnements sâinstallaient un peu partout sur la vaste plaine du Saint-Laurent comprise entre le fleuve, la frontière américaine et la région de la rivière Chambly, et au-delà , formant un triangle dont la pointe nord était Montréal, la cible de lâennemi. Ce dernier viendrait-il par lâouest ou par lâest? Le lac Champlain, où se jetait la rivière Chambly, sâavérait une voie naturelle de pénétration au sud-est. Mais les troupes américaines pouvaient choisir de bifurquer vers lâouest, empruntant le réseau des rivières Lacolle ou Châteauguay.
Outre ses Voltigeurs, Salaberry commandait désormais les milices et autres régiments de volontaires pour assurer la défense de Montréal. Les troupes étaient réparties pour surveiller les chemins et les voies dâeau susceptibles dâêtre empruntés par lâennemi. Jusquâà La Prairie, village situé en face de lâîle de Montréal sur la rive sud du fleuve, où se trouvait une traverse pour atteindre lâîle, câétait le branle-bas de combat.
Au confluent des grands chemins entre Chambly et La Prairie se trouvait la paroisse Sainte-Marguerite-de-Blairfindie. En cette fin dâété, Salaberry et la plupart des compagnies de Voltigeurs sây trouvaient; lâentraînement sâintensifia, et rondement à part de ça!
â Le major nâest jamais content, se plaignit Charland un soir, lorsque les hommes regagnaient leur tente.
Ils étaient exténués par lâexercice et les travaux destinés à démolir les chemins ou à construire des abattis, ces ouvrages grossiers constitués de troncs dâarbres abattus, ébranchés de manière à laisser des pointes avant dâêtre entassés et croisés sur les chemins et les routes, pour empêcher quiconque de passer.
â Câest que nous ne sommes pas encore de vrais soldats, répondit Godefroi qui prenait lâentraînement très au sérieux.
Câétait rude et ardu, mais il se disait quâil fallait toujours en faire plus, afin quâun jour, le major se déclare satisfait de ses hommes.
â Moi, ce que je trouve le pire, ce sont les ordres en anglais, reprit-il. Je nây entends rien, et je dirais même que le sergent Peltier ne comprend pas un seul mot non plus.
Câétait lâheure du déjeuner. Voltigeurs et miliciens venaient de se découper un bon morceau dans une lourde miche de pain â câétait la base de leur alimentation et chaque homme avait droit à deux pains pesant quatre livres par semaine â, quand Louis poussa Godefroi du coude.
â Hé! Vâlà le major. Il est avec notre capitaine et les capitaines Perrault et Viger.
Les hommes lâchèrent tout pour se mettre en rang.
â Soldats! cria Salaberry. Entre Blairfindie et Lacolle, il ne doit plus y avoir un chemin en état. Il y a encore de lâouvrage à abattre.
â Encore? geignit Louis. Ãa serait-y que les Américains sâen viennent? demanda Louis au sergent Peltier.
â Jâai pas à te répondre, le rabroua Peltier. Les ordres sont de démolir les chemins. On démolit.
â Ãa va. Allez, mon Louis, on apporte le godendart, dit Godefroi en se munissant de lâimmense scie à deux manches. Quand je pense quâici, on détruit, alors quâÃ
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