Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
Vom Netzwerk:
Cet homme a besoin de toi. Plus d’une fois, j’ai constaté que favoriser les inclinations entre jeunes gens d’un même milieu était une recette qui fonctionnait.
    Julie restait sans voix.
    â€” J’ai fait le même choix, autrefois, en épousant ton père, poursuivit Marie-Anne de Rouville. Au début de notre mariage, ton père a eu besoin de mon soutien pour l’aider à reconstituer ses fiefs, sa fortune et son nom, et j’éprouve toujours une grande satisfaction d’y avoir contribué. Vois-tu, j’avais tellement d’ambition à ton âge!
    Madame de Rouville détestait tout ce qui faisait l’ordinaire des femmes de sa condition, se rappela Julie. Les interminables aiguillées de fils de différentes couleurs destinés à orner le linge de maison, les cols et les poignets des robes des dames, les mouchoirs ou autres chiffons, tout comme l’aquarelle ou ces arts inutiles qu’on enseignait aux filles éduquées la rendaient folle de rage.
    â€” Je vous en prie, mère, racontez-moi votre jeunesse. Jamais vous n’en parlez.
    â€” Comment te dire? J’ai accédé à la noblesse par mon mariage, et j’aimais mon mari, mais pour cela…
    Elle soupira.
    Sur son visage, une expression indéfinissable qui s’apparentait à des regrets fit craindre à Julie qu’elle renonce à se livrer, mais sa mère continua:
    â€” Mon père était marchand de fourrures. Enfant, ce que j’aimais le plus, c’était de me tenir au magasin entre les immenses piles de fourrures et entendre les voyageurs de retour du Pays d’en Haut narrer leurs périples. Découvrir comment ils parcouraient des milliers de lieues en navigant sur les rivières pleines de dangers, les menant vers les Grands Lacs, véritables mers intérieures du continent, disaient-ils, et atteindre les postes de Chagouamigon ou de Michilimakinac. Des histoires fabuleuses qu’ils arrosaient à grands coups de rhum de la Jamaïque.
    Madame de Rouville semblait très émue.
    â€” Pour moi, le bonheur consistait à compulser les longues colonnes de chiffres des registres faisant foi d’achat, de vente ou d’échange contre marchandises. Ces immenses livres où chaque ligne indiquait des quantités de pellete-ries: les peaux de castor, de vison, de martre, d’ours ou les autres richesses prodigieuses transigées dans notre magasin.
    Elle éclata de rire.
    â€” La jeune Marie-Anne Hervieux rêvait d’équiper un canot et d’engager des voyageurs en partance pour le Pays d’en Haut! Je voulais faire comme mes ancêtres, qui s’étaient enrichis jadis grâce au négoce de la fourrure dont Montréal est toujours la capitale. Oui, si on m’avait laissé le choix, j’aurais été marchande de fourrures.
    â€” Mon Dieu! Mère! compatit Julie. Je comprends maintenant pourquoi vous vous sentiez périr d’ennui à Chambly, petit village où il ne se passe jamais rien.
    Julie avait soudainement le cœur serré. Qui s’était soucié des rêves brisés de la seigneuresse de Rouville? Plus jamais elle ne verrait sa mère de la même manière.
    â€” Tu comprends pourquoi j’avais placé tous mes espoirs en ton frère? Toi, ma fille, de par ta nature de femme, tu étais tout aussi impuissante que moi à maîtriser ton destin. Ovide… Ce fut une erreur de lui avoir transmis le prénom de ton grand-père, cet incapable, franchement haï de ses contemporains. Je regrette d’en parler ainsi, mais c’est la vérité. Heureusement, mon époux a été un homme fort différent de son propre père, même s’il a hérité de son incompétence à gérer la seigneurie, ajouta madame de Rouville avec un sourire.
    Julie était très émue par les confidences de sa mère. Elle se leva pour la serrer dans ses bras.
    â€” Je t’en prie, fit sa mère avec une certaine rudesse. Tu sais que je n’aime pas les effusions. Les pleurs ne servent à rien. Pense à ton mari qui est sur le champ de bataille. C’est de ton courage dont il a besoin.
    Julie se reprit. Et en se rassoyant, ce qu’elle vit la médusa. Sa mère essuyait furtivement une larme.

    Ã€ l’instant où les Voltigeurs fermaient les yeux dans le bois humide de

Weitere Kostenlose Bücher