Julie et Salaberry
douces.
â Comment va le petit? demanda-t-il.
â à cette heure, il dort, répondit-elle en souriant.
â Alors, je peux encore embrasser sa maman.
Ce quâil fit avec une ardeur renouvelée. Il nâavait pas encore retiré son épaisse cape, imprégnée dâune odeur de laine mouillée, ni son uniforme, mais il sentait la chaleur du corps de Julie qui le réchauffait enfin.
â Julie, ma chère Julie! Tu mâas terriblement manqué. Jamais plus je ne resterai séparé de toi, affirma-t-il avec fougue.
Il la regarda encore, plongeant le regard ardent qui avait mené les Voltigeurs à la victoire dans ses yeux de velours.
â Sur mon âme, je tâaime, Julie, dit-il en la serrant encore au point quâelle dut se dégager pour ne pas étouffer. Dieu seul sait à quel point je peux tâaimer, ajouta-t-il en caressant ses cheveux.
Julie était son havre. Et elle riait de le voir si fou, si amoureux dâelle.
â Tu ne mesures pas ta force, mon cher époux, dit-elle tendrement.
Dans quel état lui rendait-on son homme? «Lorsquâils rentrent à la maison, les héros ont vraiment mauvaise mine», se dit Julie. Charles était épuisé, malade peut-être, ses vêtements étaient sales, boueux, et lui-même avait grand besoin dâeau et de savon.
â Mais toi, mâaimes-tu seulement un peu? demanda-t-il, Ã bout de force, presque suppliant.
Ce besoin quâil avait dâelle!
Julie frémit de bonheur en entendant ces mots. Un moment, elle avait eu peur de le perdre. Elle comprit soudain ce qui lui importait plus que tout: être près de Charles chaque jour que Dieu faisait. «Voilà . Câest certainement cela, lâamour», se dit-elle.
â Charles, tu en doutes encore? répondit Julie avec ferveur, en se blottissant contre lui.
Il était si heureux quâil en avait les larmes aux yeux, des larmes de bonheur, mais aussi des larmes dâépuisement.
â Mon cher mari, va te rafraîchir et allonge-toi, lâenjoignit Julie.
Elle avait un étrange sourire et lâÅil pétillant.
â Jâirai te retrouver tout à lâheure, chuchota-t-elle.
Pour toute réponse, il lâembrassa de nouveau et monta à lâétage.
Il se jeta sur le lit en poussant un immense soupir de soulagement. Entre les draps où avait dormi son épouse flottait une odeur de rose.
Quand Julie pénétra dans son ancienne chambre de jeune fille pour retrouver son mari, lâeau qui remplissait le grand bol servant à la toilette était grise. Elle nota quâil avait passé une chemise propre avant de sâétendre et semblait dormir. Doucement, de peur quâil ne sâéveille, elle saisit une mouchette pour éteindre la chandelle quâil avait laissé brûler à son intention afin quâelle ait un peu de lumière. Mais lorsquâelle sâallongea près de lui, il se blottit tout contre elle. Malgré la fatigue, il res-tait encore des forces au héros de Châteauguay, constata Julie en rendant son baiser à Charles qui lui retirait ses vêtements.
Plus tard, quand Salaberry se fut endormi, elle se releva pour attiser le feu. Dans la lueur, elle contempla lâhomme quâelle avait choisi pour mari. Son destin était désormais lié au sien, et cette pensée lui procurait une délicieuse sensation de bien-être.
â Charles de Salaberry, murmura-t-elle sous le drap, je tâaime.
Pour toute réponse, il émit un vague grognement et lâenlaça.
Dans la pénombre, Julie souriait.
Repères et sources
Lâintrigue des Chroniques de Chambly est basée sur des faits historiques, mais puisque la fiction a ses propres exigences, certains détails ont été modifiés, par exemple lââge de plusieurs personnages historiques, afin de mieux sâintégrer à lâintrigue du roman. Suivent plus bas quelques indications sur les personnages, faits principaux et expressions particulières, le tout présenté suivant lâordre dâapparition dans le roman.
Charles-Michel dâIrumberry de Salaberry (1778-1829)
Jâai choisi dâabréger son nom en Charles de Salaberry, omet-tant le deuxième prénom Michel, tout comme il le faisait lui-même, puisquâil signait toujours ses lettres ainsi: Chrs de
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