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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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enfants, tous seraient éclaboussés par la honte, croyait-elle. Ces dernières années, Ovide de Rouville avait résidé à Montréal. On l’avait rarement vu à Chambly et Marguerite avait pu respirer, jusqu’au jour où, de ses fenêtres, elle l’avait aperçu traversant le village à cheval suivi d’une charrette chargée de malles. Le fils Rouville était de retour à Chambly et revenait vivre dans une maison, voisine du manoir, que ses parents louaient pour lui.
    â€” Tout va bien? s’inquiéta Julie qui avait remarqué un imperceptible plissement des lèvres chez Marguerite.
    â€” Je me sens un peu lourde, c’est vrai, s’excusa-t-elle. Mais je vous promets de ne pas faire quérir la Stébenne avant que vous n’ayez terminé votre thé, ajouta-t-elle en parlant de la sage-femme qui pratiquait au village.
    â€” Je n’aurais pas dû insister pour venir chez vous, dit Julie, qui se sentait un peu coupable.
    â€” Qu’allez-vous dire là? fit Marguerite. Vous oubliez que vous serez marraine de cet enfant et, à ce titre, vous faites pour ainsi dire partie de la famille.
    Le visage de Julie s’éclaira en entendant ces mots. Marguerite lui faisait sans le savoir un cadeau inestimable et elle se promettait d’abuser de son titre de marraine pour choyer l’enfant, ignorant quand elle-même pourrait connaître ce bonheur.
    Assise légèrement en retrait, Victoire observait les deux jeunes femmes, songeuse. L’amitié qui liait les Talham avec certains membres de la famille Rouville lui laissait parfois craindre le pire. Julie était accueillie par Marguerite comme une amie presque aussi intime qu’Emmélie Boileau, qui était sa cousine. Le colonel et le docteur se réunissaient pour leur partie d’échecs hebdomadaire. Mais lorsqu’on mentionnait le nom d’Ovide de Rouville devant Marguerite, une expression apeurée balayait furtivement son visage. Suffisante pour que Victoire finisse par comprendre que c’était lui l’agresseur de sa fille. Cette intuition se confirmait en voyant grandir Melchior, son petit-fils. L’enfant tenait de sa mère un beau visage et des cheveux bouclés, mais ses petits yeux ronds et noirs lui venaient de son père naturel, d’autant que Talham les avait bleus et qu’elle avait remarqué que deux parents aux yeux bleus n’ont pas d’enfant aux yeux foncés. Chez les Lareau, seuls ceux de Victoire, héritage d’une ancêtre algonquine, étaient noirs.
    Dans ses prières, Victoire remerciait Dieu d’avoir permis au docteur Talham de sauver Marguerite d’une terrible infamie par faute du fils Rouville. Instinctivement, elle fit le signe de croix, comme pour protéger les siens d’un mauvais sort.
    Les jeunes dames papotaient chiffons et s’échangeaient des nouvelles de leurs connaissances communes lorsque des cris d’enfants vinrent interrompre la conversation.
    Melchior, entraînant Appoline à sa suite, entra précipitamment au salon, tous deux essoufflés comme s’ils avaient couru le marathon.
    â€” Que se passe-t-il? demanda le docteur d’une voix bourrue. Il était convenu que vous ne dérangiez pas les grandes personnes.
    â€” Père, c’est mon oncle le notaire qui est là.
    â€” René? Mais que peut-il vouloir? s’interrogea Marguerite en échangeant un regard avec son mari.
    â€” Je peux avoir du gâteau? demanda Melchior à sa mère à la vue de la pâtisserie.
    Marguerite sourit à la gourmandise de son fils et approuva. Rosalie servit deux parts aux enfants, ravis de profiter de l’aubaine, comme Talham revenait avec le notaire qui parlait et gesticulait avec une vivacité qui ne lui était pas habituelle. Le cœur de Julie fit un bond. Mais René, habituellement maître de soi, était visiblement irrité, et pénétra dans la pièce sans prendre le temps de saluer quiconque.
    â€” Voyez-vous, Talham, en apprenant que le curé avait fait appel à l’avocat Bédard, mon père s’est mis dans une rage folle, expliqua René. À vrai dire, j’ai eu subite-ment un grand besoin de sortir de notre maison pour ne plus l’entendre vociférer. C’est pourquoi je me suis permis de frapper chez vous, ajouta-t-il à l’intention de

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