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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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Noël, mon oncle Boileau et sa famille vont jusqu’à Pointe-Olivier, le village d’en face, pour y entendre la messe.
    â€” Beau scandale en vérité! constata Rosalie. Quoique… Je dois avouer que mon propre père, le notaire Joseph Papineau, fréquente rarement l’église. Mais, ajouta-t-elle avec un sourire, je suis sûre qu’il retrouvera un jour le droit chemin qui lui évitera la damnation éternelle. Cela dit, le curé doit être furieux de voir ses paroissiens déserter son église.
    â€” Furieux? Le mot est faible, releva le docteur. Il est déchaîné! Et avec l’appui de la moitié du village par-dessus le marché! Les Bresse, le marchand Lukin, sans oublier l’aubergiste Vincelet, tous ces gens-là sont impliqués dans l’affaire!
    â€” Avec pour résultat que les Bresse et les Bédard boudent les soirées d’Emmélie, se désola Marguerite.
    â€” Et les demoiselles de Niverville sont en froid avec mon père, car il a refusé de prendre parti pour David Lukin qui est leur beau-frère, dit Julie.
    â€” Pourtant, les réparations pressent, intervint madame Lareau. Sinon, le pont s’effondrera au printemps. Pour ma part, je trouve que les voisins déboursent pour la reconstruction du pont n’est que justice.
    Un grand silence accueillit cette opinion. Victoire n’avait pas l’habitude des longs discours. Mais à titre de cousine germaine de monsieur Boileau, elle était convaincue du bon droit de son parent. Ils avaient pour ainsi dire été élevés ensemble. Fille de l’aubergiste Jacques Sachet et de Madeleine Boileau, elle avait vécu comme une demoiselle, au faubourg Saint-Jean-Baptiste, la partie du village où se trouve le domaine seigneurial et où habitent les nobles familles comme les Rouville et les Niverville. En épousant François Lareau, un riche cultivateur de la région, elle avait laissé le village à regret pour une maison de ferme du chemin de la Petite Rivière et y avait élevé ses neuf enfants tout en s’occupant de la terre, aux côtés de son mari. Ses enfants bien établis, Victoire saisissait le moindre prétexte pour revenir au village et faire de longs séjours chez sa fille aînée, avec la jeune Appoline, une enfant née sur le tard. Au village, elle ressentait toujours un indéfinissable sentiment de liberté qu’elle-même ne pouvait s’expliquer. Cette fois-ci, elle était là pour veiller sur Marguerite après son accouchement, et prévoyait rester jusqu’à la fin des relevailles.
    â€” Ma chère Rosalie, vous voyez que cette stupide chicane va tous nous rendre fous, soupira Maguerite, embarrassée.
    â€” Comme je comprends votre oncle de défendre farouchement ce qu’il considère être juste, intervint pourtant Julie. Et j’ajoute, avec tout le respect dû à messire Bédard, que notre curé a aussi ses torts. Je l’ai moi-même entendu dire qu’il ne voulait plus voir un Boileau dans son église. Et ce n’est pas la première fois qu’il agit ainsi. Pour une raison que j’ignore, mon frère n’entend plus la messe dans notre église. Ovide prétend que c’est une affaire entre le curé et lui. Il affirme que ce dernier a été injuste à son égard.
    Julie ignorait pourquoi son frère avait été interdit de la messe par le curé Bédard. Quant à Marguerite, elle réprima un frisson d’effroi. Le frère de Julie avait abusé d’elle autrefois, et le curé l’avait appris, comme il avait eu connaissance de ses nombreuses dépravations. Alexandre, son cher mari, avait accepté de l’épouser tout en la sachant enceinte des œuvres d’un autre et n’avait jamais voulu connaître le nom de son agresseur, devinant dans son silence une douloureuse blessure qu’il ne voulait pas raviver. Il y avait déjà dix ans de cela.
    Melchior, le fils de Marguerite, était né en toute légitimité et portait le nom de Talham, comme les autres enfants du couple. Mais en grandissant, la ressemblance entre le jeune garçon et Ovide de Rouville s’accentuait. Que ferait-elle si cette parenté devenait évidente? Angoissante question qui torturait madame Talham. Si la vérité éclatait, sa famille, son mari, ses

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