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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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nous, ajouta-t-il avec un air satisfait.
    Pris au dépourvu devant cette invitation explicite à courtiser Julie, Salaberry balbutia une réponse confuse dans laquelle on distinguait tout de même quelques mots: «jeune dame agréable», «belle distinction», «visage avenant»…
    Pendant que son cousin rougissait parce qu’il ne savait trop quoi dire, Ovide y trouvait une nouvelle occasion d’enrager. «Voilà le chat enfin sorti du sac. Tout ce manège pour que le cousin épouse ma sotte de sœur. Mon père a découvert le beau-fils idéal.» Il se rappela avoir vu sa mère sortir de son coffret un bijou pour le cou de Julie et des pendants d’oreilles brillants. Sa mère, pourtant indifférente au sort de sa fille, était du complot!
    Une soirée à entendre parler des exploits des Salaberry, à supporter les gloussements des vieilles filles et les regards pâmés de la belle Bédard. Elle avait d’ailleurs des yeux fort beaux! Ovide se demanda l’espace d’un instant si la toison intime de la sœur du curé était blonde ou brune. Après cette pensée salace et totalement disgracieuse envers une jeune fille distinguée, son esprit revint à son cousin. Salaberry, avec son régiment, allait peut-être déranger ses plans. Car, pour gagner son indépendance, Ovide ne comptait pas du tout sur une charge militaire.
    Obligé de quémander de l’argent à sa mère – cette dernière disposait d’une fortune personnelle – depuis que son père lui avait coupé les vivres, il était maintenant à sa merci. Ce soir, par exemple, elle s’était assurée de sa présence au souper en échange d’une misérable somme de trente livres, une nécessité pour couvrir ses dernières dettes. Cette situation ne pouvait plus durer.
    Sans aucun revenu personnel, Ovide se trouvait plus pauvre que certains fils de bourgeois. Et il n’avait pas la patience d’attendre le jour de la mort de son père pour toucher son héritage. Une solution se trouvait à sa portée: épouser une fille bien dotée. Quelle soit issue de la noblesse ou non lui importait peu. Il avait ainsi jeté son dévolu sur Emmélie Boileau. S’il avait eu le choix, il aurait préféré Sophie, plus jolie et plus amusante à ses yeux que sa sœur, mais elle était déjà fiancée. Depuis, il manœuvrait pour courtiser Emmélie qui repoussait systématiquement ses avances. Ovide s’amusait de la situation, la chasse offrant encore plus de plaisir lorsque la proie résistait. Un jour, il en était certain, le corps souple d’Emmélie se retrouverait dans son lit, soumis à ses désirs.
    Il projetait de séduire le père pour avoir la fille. Parvenu prétentieux, mais aux goussets bien garnis, Boileau baverait de bonheur et cracherait son argent en échange du noble nom de Rouville pour sa fille. Ovide se promettait de négocier pour que les belles terres de la Petite Rivière appartenant au bourgeois tombent dans la corbeille de mariage. Des fermiers à bail les cultiveraient, il y ferait construire un moulin et engagerait un meunier pour finir par engranger des montagnes d’argent. Son père ne manquerait pas de le féliciter de sa conquête, lui qui tenait la demoiselle en haute estime. Et lorsque sa mère, elle qui aimait l’argent comme Harpagon, apprendrait le montant de la dot, elle finirait par consentir au mariage. Le fait qu’Emmélie Boileau fût roturière n’aurait plus aucune importance. Et les deux familles approuvant son choix, la fière Emmélie n’aurait plus qu’à s’incliner. Beau parti, bon plan!
    Demain, il y avait une soirée chez les Boileau. Et il comptait être présent.
    Ovide poursuivit ainsi le fil de ses pensées tandis que son père conviait Salaberry à disputer une partie de dames, partie que le colonel n’avait de cesse d’interrompre avec une nouvelle question ou une demande de précision sur les exploits de son invité: «Au fait, Salaberry, parlez-moi encore de l’expédition de Lord Chatman dans les Pays-Bas», ou bien «Rappelez-moi comment vous avez arraisonné ce navire espagnol, lorsque vous serviez comme lieutenant sur l’ Asia ?»
    Ovide n’en pouvait plus de les

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