Julie et Salaberry
forme de fièvre plus que nâimporte quel ennemi.
â Serait-ce indiscret de vous demander comment se passent les choses au quartier général?
â The orders will not be delayed 19 , colonel, tenez-vous prêt!
â Câest-à -dire? fit monsieur de Rouville, subitement très intéressé.
Salaberry lâavertit quâon ferait certainement appel à ses services pour le rassemblement des milices, puis résuma les ambitieux projets de Prévost. Si tout se déroulait comme prévu, nombre de bâtiments destinés à accommoder lâarmée seraient construits sur la banlieue du fort.
â Construire sur la banlieue? Vraiment? Diantre, je veux bien avaler mon bicorne si je mâattendais à voir ça! Bah! Ce nâest peut-être pas une mauvaise idée. Voilà un événement qui amènera de gros changements à Chambly.
â Prévost espère voir les premiers chantiers vers la fin de lâété. Attendez-vous à un grand branle-bas.
â La réparation de ce satané ponceau deviendra pressante, constata monsieur de Rouville.
â Comment, cette histoire court toujours? Bresse sâétait rallié à Boileau, ce me semblait, lorsque jâai quitté Chambly la dernière fois.
Le colonel raconta comment Boileau et Bédard campaient sur leurs positions respectives.
â Rien ne bouge. Quant à Bresse, sa femme ne supporte plus dâêtre privée de la compagnie des demoiselles Boileau. Et Julie, Dieu seul sait pourquoi, a cessé de fréquenter ces jeunes filles, quoique ce ne soit certainement pas pour ce motif. En fait, mon cher Salaberry, je trouve à ma fille un air bizarre, ces jours-ci. Je me demande même si les lettres qui arrivent de Montréal avec une fréquence que je qualifierais⦠heu, de militaire⦠nây sont pas pour quelque chose. Et que dire de votre visite improvisée à Chambly, et par des chemins aussi misérables, ajouta le colonel avec un sourire dans la voix. Jâajoute pour ma part que rien ne me rend plus heureux.
Cette allusion directe à ses intentions fit rougir Salaberry jusque dans le blanc des yeux.
â Il est vrai, monsieur, que je viens vous demander la permission de mâentretenir avec mademoiselle votre fille. Mais auparavant, jâai de bien tristes nouvelles à vous communiquer.
Et Salaberry dâapprendre à monsieur de Rouville la mort de son frère.
â Quel malheur affreux! Mes pauvres amis, Dieu ne les épargne guère. Et Catherine, votre mère, comment supporte-t-elle tout cela? sâinquiéta le colonel.
â Elle est au plus mal, mâécrit mon père. Elle ne quitte plus le lit et mes sÅurs sont tout aussi inconsolables. Seul le retour de mon jeune frère Ãdouard pourra apporter quelque consolation. Et⦠je ne sais comment vous direâ¦
Il ne pouvait avouer à un homme, alors quâil sâapprêtait à lui demander la main de sa fille, que câétait la mort même de François qui avait précipité sa décision. Le colonel lâobservait. Puis Salaberry eut le désagréable sentiment que celui quâil considérait déjà comme son futur beau-père devinait ses pensées.
â Je vous comprends, mon cher Salaberry. Vous-même souhaitez apporter un peu de bonheur à votre famille, nâest-ce pas? Et je ne suis pas sans savoir, moi qui suis le confident de votre père, que lâannonce dâun mariage que tous espèrent sera une consolation.
â Right !
â Et une grande joie pour madame de Rouville et moi-même, ajouta le père de Julie avec ferveur.
Ãmu par lâattitude compréhensive du colonel, Salaberry quitta brusquement son fauteuil, pris dâune envie subite de se dégourdir les jambes. De la fenêtre qui donnait sur la grande cour du manoir, il apercevait la vaste écurie de pierre où lâengagé avait mené son cheval en arrivant. Les toits des autres bâtiments, hangar, grange, remise et glacière, ruisselaient sous le soleil qui faisait fondre la neige et la glace. «à Beauport, lâhiver est sûrement encore bien pris», se dit-il avec nostalgie. La voix de monsieur de Rouville lâextirpa de ses pensées.
â Vous êtes sans doute descendu chez Vincelet? Pourquoi ne pas faire transporter votre bagage ici? Je vous ferai
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