Julie et Salaberry
de se passer.
â My goodness ! explosa-t-il. Julie, vous et vos incroyables remarques! Ah! Diable! Mais, aidez-moi, supplia-t-il. Vous vous doutez bien de ce que je veux vous dire.
â Il y a un instant, vous me demandiez de me taire. Que dois-je faire?
Pour toute réponse, il se mit à rire.
â Incredible 21 ! Vous possédez lâart de me surprendre! It pleases me 22 , ajouta-t-il, redevenu sérieux. Julie, lorsquâon mâa rappelé votre existence, ce quâon me disait de vous, de votre famille et de votre éducation, tout cela a piqué ma curiosité. Je suis donc venu à Chambly etâ¦
Il fit une pause et se racla la gorge, embarrassé.
â ⦠je lâavoue, vous mâavez charmé.
â Charmé?
â Arrêtez de jouer au chat et à la souris, voulez-vous? Vous êtes décidée⦠comment dit-on cela, à me faire languir? Charmé nâest pas le mot exact. Séduit, conquis, à mon avis, conviendrait mieux.
â Ce que vous me dites est si⦠inattendu, dit-elle en regardant le sol comme sâil allait se dérober sous ses pieds.
Mais en prononçant ces paroles, Julie se rendit compte quâen fait, il nây avait rien dâinattendu dans cette déclaration. Toutes les lettres de Charles poursuivaient ce but précis: la préparer à une demande en mariage.
â Voilà : Julie, vous me plaisez et je veux vous épouser.
Julie demeura sans voix.
â Vous ne dites rien?
â Vous parlez comme un colonel de lâarmée, répondit-elle, amusée par le ton sans réplique dont il avait usé.
Il sâélança pour reprendre ses mains dans les siennes.
â Je vous brusque, mais lâapproche de la guerre mâoblige à le faire. Jâaurais voulu prendre le temps de vous courtiser longuement, afin de permettre à mes sentiments de se faire un chemin jusquâà vous. Mais pourquoi perdre du temps quand tout semble clair? Depuis mon retour à Montréal, je nâai cessé de penser à vous. De vous imaginer auprès de moi, à Beauport ou à Québec. Je possède une petite maison là -bas. Je lâai acquise récemment, par lâentremise de mon père, en prévision de ma retraite de lâarmée. Vous aimerez la société de Québec, plus brillante que celle de Montréal. Dans cette belle ville, tout est différent: beaucoup de bals et de réceptions. Vous verrez⦠Songez-y! à Beauport, vous aurez aussi des sÅurs, vos trois cousines, avec qui vous vous entendrez à merveille, jâen ai lâintime conviction. Nous resterons dâabord quelque temps à Chambly, pendant lâentraînement des Voltigeurs. Et, bien sûr, nous aurons plusieurs enfants qui vous rendront heureuse. Nâest-ce pas là votre souhait le plus cher?
Il débitait tout cela sans reprendre haleine, comme si sa vie en dépendait, pendant que Julie écarquillait les yeux comme pour mieux absorber ce flot de paroles. Puis elle baissa la tête, subitement plongée dans la contemplation des guirlandes et des corbeilles de fleurs qui parsemaient le tapis de Bruxelles couvrant le plancher de la pièce. Il prit cela pour de la timidité, sâémouvant de la voir fuir son regard, lâimaginant bouleversée par lâémoi que lui causait sa demande en mariage.
â Mais il nây a que moi qui parle, dit-il en riant avant dâajouter, dâun ton suppliant: Je vous en prie, Julie, dites-moi quelque chose.
â à Beauport? finit-elle par articuler, tout en fouillant sa mémoire afin de retrouver ce paysage quâelle avait connu, enfant.
Elle ne se rappelait plus. Beauport était près de Québec. Que venait faire ici ce détail alors quâelle recevait la grande demande? Elle nageait dans la confusion. Le mariage nâavait existé que dans ses rêves romanesques. Jamais encore, elle ne lâavait envisagé de manière aussi concrète. «Mon Dieu! Mon Dieu! Mais que dois-je faire? Que dois-je répondre?» Heureusement, sa bonne éducation vint à son secours et lui dicta les mots quâil fallait. Elle ramassa tout son courage.
â Je suis sensible, Charles, à lâhonneur que vous me faites et ce serait vous faire offense que de mâengager à la légère, dit-elle le plus calmement du monde, malgré son cÅur qui
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