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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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préparer une chambre.
    Salaberry quitta son poste d’observation.
    â€” Je vous remercie, mais Vincelet est plus approprié dans les circonstances. Je n’ai pas encore décidé si je retournais à Montréal ce soir ou demain.
    â€” Alors, arrêtons de tourner autour du pot. Je fais mander Julie?
    De retour dans sa bibliothèque avec le même sourire qu’un général devant la victoire, monsieur de Rouville fut incapable de se remettre à ses comptes.

    On les avait laissés seuls dans le petit boudoir du rez-de-chaussée. En dehors de sa propre chambre, Julie aimait se réfugier dans l’intimité de cette pièce dont l’un des murs était couvert d’une vieille tapisserie poussiéreuse que madame de Rouville songeait à remplacer. Il n’y manquait qu’un instrument de musique comme un petit clavecin ou un piano-forte. Elle avait appris la musique au couvent et aurait volontiers joué d’un instrument pour se distraire. Mais les Rouville croyaient qu’il y avait à Chambly un nombre suffisant de musiciennes pour martyriser les oreilles de la société et Julie s’était vu refuser ce plaisir.
    Assise sur le rebord d’un sofa aux motifs fleuris, elle servait le thé. Salaberry avait pris place dans l’un des deux grands fauteuils d’acajou recouverts de crin noir.
    Salaberry appréciait cette modestie touchante de demoiselle de bonne famille qui lui allait si bien. Il l’observait comme s’il la voyait pour la première fois. Elle possédait un visage agréable, quoiqu’un peu anguleux, offrant un profil gracieux avec son nez droit. Le front était charmant, à peine légèrement bombé. Un air aimable, agrémenté par des yeux doux et une fine silhouette… Comme elle était différente de celles qu’il avait jadis connues! Il la désirait, il la voulait pour lui seul. Elle représentait une oasis de sérénité et lui, qui avait si longtemps bourlingué, pourrait enfin se reposer auprès d’elle.
    Julie s’attendait-elle à une demande en mariage? Dans ses lettres, il avait cru lire entre les lignes que l’amour n’était pas loin. Soudain, un étau resserra son estomac et il eut peur de perdre ses moyens.
    Le visage de Julie était devenu triste, car il venait de lui apprendre la disparition de son frère. Elle lui avait offert ses condoléances.
    â€” Votre frère, Charles, c’est si cruel, compatit-elle tout en lui tendant une tasse de porcelaine chinoise.
    â€” Seriez-vous surprise si je vous disais que j’ai ressenti fortement un grand besoin de venir vous voir?
    â€” Oh! laissa-t-elle échapper, désarmée par cette déclaration. Votre confiance me touche. Vous prenez du sucre et du lait, n’est-ce pas?
    â€” Yes, thank you . Vous vous rappelez comment je prends mon thé?
    Elle avait toujours de ces délicates attentions pour les autres. Il remua la boisson chaude en silence et Julie omit de sucrer son propre thé. Curieusement, elle ne fut pas incommodée par l’amertume. En fait, elle ne goûtait rien. La présence inopinée de Charles lui causait un plus grand plaisir qu’elle ne l’aurait admis.
    â€” Je vous ai vu arriver par le vieux chemin, remarqua Julie, pour dire quelque chose.
    Elle faisait allusion à l’ancien chemin, appelé aussi «chemin d’en bas», qui longeait les rapides en passant derrière le manoir. Salaberry acquiesça.
    â€” Cet endroit est particulier, dit-il, en évoquant les remous. On le croirait indomptable, mais il est plein de charme.
    â€” C’est vrai, approuva-t-elle. L’été, j’aime à me promener de ce côté. Je suis heureuse que Chambly vous plaise, Charles, et je souhaite que vous y reveniez plus souvent. Pour ma part, je ne me vois pas vivre ailleurs.
    Ses phrases s’enfilaient les unes derrière les autres.
    Â«Mon Dieu! supplia-t-elle intérieurement. Faites que je trouve quelque chose de spirituel ou d’intelligent à dire.»
    Elle contempla les tasses vides sur le plateau.
    â€” Je crois que mes parents viendront nous rejoindre.
    â€” Vous craignez d’être seule avec moi?
    â€” Non! protesta-t-elle vivement, avec un sourire gêné. Mais… les convenances, vous comprenez. J’imagine qu’ils ne vont pas tarder,

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