Kenilworth
de Tressilian de Cumnor, ils arrivèrent vers midi au château de sir Hugh Robsart, nommé Lidcote-Hall, sur les frontières du Devonshire.
CHAPITRE XII.
« Quel vent a donc flétri l’aimable et jeune fleur,
« Jadis de ce séjour et l’orgueil et l’honneur ? »
JOANNA BAILLIE, la Légende écossaise .
L’ancien château de Lidcote-Hall était situé près du village qui porte le même nom, et touchait à la grande forêt d’Exmoor, bien peuplée de toute espèce de gibier, et où d’anciens privilèges appartenais à la famille Robsart donnaient à sir Hugh le droit de se livrer à la chasse, son amusement favori. Ce château antique et peu élevé occupait un espace de terrain considérable, et était entouré d’un fossé profond. Une tour octogone en défendait les approches et le pont-levis. Cette petite citadelle avait été construite en briques ; mais les murs en étaient tellement couverts de lierre et d’autres plantes grimpantes qu’il était fort difficile de reconnaître les matériaux employés pour la construction. Chaque angle de cette tour était décoré d’une tourelle, et pas une ne ressemblait à l’autre, ce qui valait bien la monotonie régulière de l’architecture gothique moderne. Une de ces tourelles était carrée, et contenait une horloge ; mais le mouvement était arrêté, ce qui frappa d’autant plus Tressilian que le bon chevalier, parmi quelques autres manies fort innocentes, avait celle de vouloir connaître de la manière la plus exacte le cours du temps, fantaisie assez commune à ceux qui ne savent qu’en faire ; comme nous voyons des marchands s’amuser à faire l’inventaire de leurs marchandises dans la saison où ils trouvent le moins d’occasions d’en vendre.
L’entrée de la cour du château était un passage voûté surmonté par la tour de l’horloge ; le pont-levis était baissé, et un des battans de la porte doublée en fer était négligemment ouvert. Tressilian traversa précipitamment le pont, et commença à appeler tous les domestiques à haute voix par leurs noms. D’abord, il n’obtint de réponse que des échos qui répétaient sa voix, et des chiens de chasse qui aboyaient dans leur chenil, situé non loin du château, dans l’enceinte tracée par le fossé. Enfin il vit arriver William Badger, vieux favori de son maître, son premier piqueur, surintendant de ses plaisirs et son fidèle garde-du-corps. Le front du vieillard s’épanouit en reconnaissant Tressilian.
– Que le ciel vous protège, M. Edmond ! s’écria-t-il ; est-ce bien vous en chair et en os ? il y a donc encore quelque espoir pour sir Hugh ? car personne ne sait plus que faire avec lui, c’est-à-dire ni le vicaire, ni M. Mumblazen, ni moi.
– Sir Hugh est-il donc plus mal que quand je suis parti ?
– Plus mal ?… non. Il est même mieux ; mais il a, dirait-on, l’esprit dérangé. Il boit et mange comme à son ordinaire, mais il ne dort point, ou, si vous le voulez, il ne s’éveille jamais ; car il est toujours dans une sorte d’engourdissement dont on ne peut dire que ce soit veiller ni dormir. Dame Swineford pensait que c’était une sorte de paralysie ; mais non, lui dis-je, non ; c’est le cœur, le cœur seul qui est malade.
– Et ne pouvez-vous le distraire par quelques uns de ses amusemens ordinaires ?
– Il n’a plus de goût à rien. Il ne veut toucher ni au trictrac ni au galet ; il n’a pas regardé une seule fois le gros livre de blason de M. Mumblazen. Je m’étais avisé d’arrêter l’horloge, pensant que lorsqu’il n’entendrait plus sonner les heures cela lui donnerait une secousse ; car vous savez, M. Edmond, qu’il ne manquait jamais de les compter ; eh bien, il n’y a point fait attention ; de sorte que je crois que je puis remonter le vieux, carillon. J’ai osé une fois marcher sur la queue de Bungay, dans l’espoir de le mettre en colère, et vous savez ce que cela m’aurait valu autrefois ; eh bien, il n’a pas plus fait attention aux cris du pauvre chien que si c’eût été une chouette perchée sur une cheminée. En un mot, j’en perds l’esprit.
– Tu me diras le reste dans la maison, William ; mais fais conduire cet homme à l’office, et qu’on le traite avec tous les égards convenables : c’est un artiste.
– Je voudrais que ce fût un artiste en magie noire ou blanche, et qu’il eût quelque secret pour soulager mon pauvre maître. – Hé,
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