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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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devait-elle l'émouvoir, bouleversée qu'elle était après tout ce temps passé auprès d'Ashemou. Ashemou malade. Ashemou à demi vivante, preuve de ses fautes.
    Soudain, levant la tête vers Khadija :
    — La déesse Al Ozzâ est-elle ta déesse, cousine ? demanda-t-il.
    Elle fit la moue et se contenta de hausser les épaules.
    — Crois-tu en son pouvoir sur toi, cousine ? insista Waraqà.
    — Je ne sais pas.
    Waraqà eut un reniflement agacé. En d'autres circonstances, Khadija en aurait souri : le vieux hanif redevenait lui-même.
    — Tu ne sais pas ?
    — Non. Mais je crois à la malfaisance d'Abu Sofyan.
    Waraqà balaya la remarque d'un revers de la main.
    — Abu Sofyan est un homme, pas un dieu. Il n'a que le pouvoir d'écraser des mouches.
    Brusquement, il s'appuya sur sa canne, quitta son tabouret et claudiqua en direction des cuisines. Interloquée, Khadija se demanda si elle devait le suivre. Le hanif ne se retourna pas. Elle resta donc assise et le vit se diriger vers les autels d'Hobal et d'Al'lat. Sur chacun d'eux il prit quelque chose et, calant sa canne sous un bras, traînant maladroitement sa jambe bancale, il revint vers le tamaris.
    Le souffle rapide, il reprit sa place sur son tabouret. Puis il ouvrit les mains. La droite contenait des petits fragments de cornaline : les amulettes d'Hobal. Sa paume gauche était recouverte de cendres tièdes et de déchets des offrandes que les servantes, à l'aube, avaient brûlées sur l'autel d'Al'lat.
    Grinçant, il demanda :
    — Hobal est-il ton dieu ?
    Une nouvelle fois, Khadija se contenta d'une moue et d'un haussement d'épaule, quoique sans quitter le hanif des yeux.
    — Réponds ! gronda-t-il.
    — Il l'a été. Longtemps. Il ne l'est plus depuis la maladie.
    Waraqà retourna sa main droite et laissa tomber les fragments de cornaline sur le sol. De la pointe de sa sandale, il les écrasa, les enfonçant dans la poussière. Après quoi il fixa Khadija sans un mot pendant un court instant.
    — Entends-tu la fureur d'Hobal ?
    — Non.
    — Non, pourtant ceux qui tournent autour de la Ka'bâ en priant Hobal m'arracheraient les yeux s'ils me voyaient piétiner ces amulettes. Et ils gémiraient en attendant la vengeance de leur dieu.
    Il tendit sa paume gauche, pleine des cendres de l'autel d'Al'lat.
    — Et Al'lat ? La toute-puissante Al'lat ? Ne crois-tu pas en son pouvoir ?
    — Je ne sais pas.
    — Comment ça, tu ne sais pas ? Quand il s'agit de croire aux dieux, il n'est qu'une seule réponse : oui ou non.
    — Je l'aimais. Je la sentais près de moi. Mais il me semble que c'était il y a longtemps. Il s'est passé tant de choses où elle n'est pas venue à mon secours.
    — Alors, c'est non, fit Waraqà en laissant les cendres s'écouler de sa paume. Ces cendres ne sont que cendres. Tu peux les piétiner, elles aussi. Tu n'entendras pas la colère d'Al'lat, car la déesse n'est plus dans ton cœur. Les idoles, cousine Khadija, ne sont que ce que les mains des hommes en ont fait. C'est-à-dire pas beaucoup.
    Le hanif se tut, laissant ses paroles couler dans le cœur de Khadija.
    — Et toi, tu es comme ces hommes pleins de prétention. Tu viens devant moi, tu dis : « J'ai brisé l'idole d'Al Ozzâ comme Ibrahim a brisé l'idole de son père. » Tu dis : « Les dieux se vengent de moi ! Ils m'ont pris mon petit Al Qasim. » De quels dieux parles-tu, puisque tu ne crois en aucun d'eux ? Tu n'es pas Ibrahim. Tu brises les idoles, mais tu ignores pourquoi. Tu dis : « Ils ne sont pas à mon côté. » Pourtant, tu crains leur colère. Tu gémis : « Ils me punissent de ma faute. » Mais où est cette faute, si ces dieux ne sont pas dans ton cœur ? La vérité, cousine Khadija, c'est que ton dieu, c'est l'orgueil. Il est si grand que tu veux être toi-même une déesse. Tu veux que toute chose vienne de ta volonté ou de ta faute. Et si le toit qui porte ton fils Al Qasim s'effondre, il faut que ce soit ta faute !
    À présent, Waraqà la regardait en souriant.
    — Tu vas devoir apprendre la modestie, saïda bint Khowaylid. Quand Ibrahim a détruit les idoles de son père, il l'a fait comme on nettoie à coups de balai une chambre trop crasseuse. Rien de plus qu'un petit geste. Ton époux Muhammad a déjà compris cela. Il n'est pas simplement parti pour Sham et Ghassan afin de commercer. Peut-être verra-t-il la tombe d'Ibrahim et cela lui éclairera-t-il la tête. Peut-être rapportera-t-il des

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