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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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d'effacer ce qu'elle venait de voir. Qu'Al'lat la sauve ! Elle ne savait pas contenir tant de faiblesse d'amour et de désir.
    Malgré elle, ses mâchoires cédèrent. Sa poitrine se vida d'un souffle plein de douleur.
    — Saïda ?
    Agenouillée devant elle, recouverte du châle, Ashemou la scrutait de ses yeux luisants de la nacre du ciel. Inquiète, dans un murmure où se devinait un peu de tendresse, elle répéta :
    — Saïda ?
    Khadija remercia Al'lat pour les ténèbres.
    — Ça va, chuchota-t-elle, battant des paupières. Je ne sais pas comment tu as pu respirer, ici. Ça empeste tant que j'en ai les yeux qui piquent. Demain, je te le promets, Abdonaï fera enlever la barre extérieure et on brûlera des herbes ici. Ne sois pas soucieuse pour Barrira. Elle gronde toujours avant d'aimer.
    Ashemou ne répondit pas. Ses yeux ne se détournèrent pas non plus. Un peu sèchement, retrouvant sa voix de maîtresse malgré le chuchotement, Khadija demanda :
    — Raconte-moi ce que t'a dit la cousine Muhavija.
    — Elle a fait ce qu'il fallait. Désormais, dans Mekka, ceux qui le doivent ont appris, pour la razzia de ta caravane. Ils le savaient ce soir, quand tu as tourné autour de la Ka'bâ.
    — Oui, je l'ai noté.
    — Elle a dit aussi qu'à la mâla ceux des clans Makhzum et Abd Manâf prennent le parti du puissant Abu Sofyan, comme avant.
    — Pas une surprise.
    — Elle a dit : « Demain, le seigneur Abu Talib sera dans ta cour. »
    Khadija laissa fuser un petit rire.
    — Le seigneur Abu Talib !
    Son ton intrigua Ashemou. Khadija devina les questions retenues derrière les yeux qui la scrutaient.
    — C'est un tout petit seigneur, qui ne pèse pas plus lourd qu'une chauve-souris, précisa-t-elle. Tu le poserais sur ton ventre, qu'Al'lat te l'épargne, tu ne le sentirais pas.
    Elle rit, et Ashemou partagea son rire.
    — C'est tout ce que t'a dit Muhavija ? reprit Khadija, sérieuse, craignant à présent les mots qu'Ashemou pourrait prononcer.
    — Non.
    — Alors ?
    Tout bas, la voix la plus neutre possible, Ashemou récita :
    — Elle a dit : « Que ta maîtresse dorme : j'ai vu celle que je devais. Elle la respecte et l'admire. » Saïda Muhavija a ajouté qu'après-demain son époux et ses fils partiront pour le port de Djedda. Tu viendras la visiter dans sa maison.
    — Après-demain seulement ?
    Dans l'ombre, la tête d'Ashemou s'inclina.
    Le soupir de Khadija retentit dans le silence. Un temps, elle ne vit rien d'autre que le ciel trop lourd d'étoiles et la lune trop fine, suspendue comme une dent de tigre dans l'encadrement de la porte. Elle chercha la main de l'esclave, la trouva et la serra, étonnée qu'elle soit si petite, songeant combien il serait facile de la broyer.
    — Tu te demandes ce que signifient ces paroles, Ashemou de Loin.
    — Je ne me demande rien. Je suis ta servante.
    — Mais si, tu t'interroges. Tu es belle, jeune et intelligente. Tu es une esclave, et il te faut comprendre ce que tu ignores. Je sais ce qu'il en est.
    Ashemou ne parla pas. Khadija crut déceler une froideur prudente dans ce silence. Une distance qui se devinait jusque dans la main qu'elle retenait. Elle l'abandonna.
    — Oui, tu es une fille intelligente.
    — Je te suis fidèle, tu peux exiger de moi ce que tu veux.
    — Je le crois. Tu dois avoir faim et soif.
    — Demain je boirai et mangerai.
    — Allons, pas de sottises ! J'ai une jarre d'eau dans ma chambre, et il te faut une tunique propre. Tu ne vas pas rester nue sous ce châle.
    Khadija se leva, reprit fermement la main d'Ashemou comme une maîtresse doit saisir une servante.
    — Suis-moi. Ne fais pas de bruit. Barrira a l'oreille fine.
     
    Elles filèrent tels des fantômes sous les arches le long du dortoir des servantes. On percevait toujours la respiration rauque de Barrira derrière le rideau masquant son réduit, moins lourde cependant et plus lente que précédemment. L'huis de la chambre de Khadija grinça un peu. Dans la nuit silencieuse, le bruit parut capable de réveiller la maisonnée. Il n'en fut rien.
    Dans la chambre, l'éclat du ciel tombant de deux hautes fenêtres défendues par des barreaux de bois leur suffit à se déplacer sans heurts. Khadija conduisit la jeune esclave vers le coffre de sa couche. Il provenait de Sham. Le bois de cèdre était renforcé de bandes d'acier qu'une dague n'aurait pu forcer. Khadija s'agenouilla, souleva le lourd couvercle avec précaution. Ses doigts

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