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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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paume sur eux, pour ce jour comme pour tous ceux qui régiraient leur destin. Enfin, il était temps d'aller rendre hommage à leur hôtesse.
    Khadija se tenait sous le tamaris. Adossée au tronc, elle était assise sur un siège de bât en genévrier finement tendu de cuir clouté d'argent et disposé sur un tapis vert et rouge. Elle les attendait, patiente, les mains croisées sur ses cuisses repliées sous une modeste tunique. Des peignes de corne rehaussés d'argent à la mode de Saba retenaient sa chevelure. Des anneaux d'or pendaient à ses oreilles, et sur sa poitrine jouait un collier de minces plaques d'ambre d'Afrique suspendues à une barrette d'ébène incrustée de la cornaline d'Hobal.
    Peu de mots s'échangeaient. Les invités lui souhaitaient une longue prospérité. Elle leur retournait le vœu. Ils souhaitaient que la main d'Al'lat demeure sur sa maison. Elle remerciait :
    — Que ta maison soit heureuse et ta descendance pleine de vie.
    Souriant, ils ajoutaient :
    — Qu'Hobal le Tout-Puissant continue de t'aimer et t'accorde cent chameaux pour le prochain printemps.
    — Qu'il t'aime toi aussi, et nous partagerons sa pluie de richesses, répliquait-elle.
    Ces derniers mots déclenchaient des rires, des saluts, des mercis pour le beau repas, jusqu'à ce que l'invité s'écarte à reculons pour laisser place au suivant. Ils étaient déjà plus d'une cinquantaine dans la cour de Khadija, lorsque l'oncle de Muhammad ibn `Abdallâh entra.
     
    Abu Talib était un tout petit homme. Alors qu'il avait à peine passé la quarantaine, sa silhouette d'oiseau, sèche comme un buisson du Nefoud, était celle d'un homme faible et fragile. On le prétendait chauve, mais nul ne pouvait en être certain, pas même ses servantes, car il se couvrait le crâne d'un petit bonnet de feutre jusque dans son sommeil. Une barbe grisonnante allongeait son visage tout en lignes et rides, en faisait un vieillard avant l'âge.
    Il suffisait cependant de croiser son regard pour deviner la ténacité qui l'habitait. Devenu chef du clan des Abd al Muttalib par la ruse et l'agilité de sa langue, il avait fondé sa réputation sur son âpreté au gain. Quoique nul ne redoutât son bras ou sa lame, il était parvenu à s'imposer dans le commerce de Mekka.
    Il accorda peu de temps à la cuisine de Barrira. Il remplit à demi son écuelle et offrit la moitié de son kulbz à l'autel d'Al'lat, pressé d'aller saluer Khadija. Quand ils en eurent fini avec les paroles convenues, Khadija baissa modestement les paupières. Après un silence, elle désigna le tapis sous ses pieds.
    — Prends le temps de t'asseoir, seigneur Abu Talib.
    Creusant ses tempes décharnées et dévoilant des gencives où manquaient de nombreuses dents, les plis d'un sourire envahirent la face émaciée d'Abu Talib. Être traité en seigneur le comblait. Néanmoins, avant d'accepter l'invitation, il jeta un coup d'œil derrière lui. Mâchant leur pain trempé de ragoût, les invités le dévisageaient. Aux aguets, conscients que des secrets d'importance allaient transiter entre leur hôtesse et le premier des Abd al Muttalib, ils ne cherchaient pas à dissimuler leur curiosité. Ce soir, leur gloire serait de lancer de nouvelles rumeurs dans les cours de Mekka.
    Abu Talib inclina son corps d'oiseau dans ce qui pouvait paraître une révérence à son hôtesse. Il en profita pour déposer son écuelle et son pain sur le tapis, souleva le bas de son caftan et s'assit sur ses talons.
    — Tu sais ce qui est arrivé à notre caravane devant Tabouk, commença Khadija, un sourire aux lèvres, rien qui puisse irriter les sens d'un homme.
    — Je sais quels mots volent dans les cours de Mekka depuis ton retour, opina prudemment Abu Talib.
    — Raconte-moi ce que j'ignore.
    — Ce qu'on dit : une razzia, mais manquée. Pas un chameau de perdu pour nos biens. Pas d'homme blessé qui soit à nous. Abu Nurbel, Al Sa'ib et mon neveu Muhammad s'en sont sortis sans une égratignure. Hobal soit loué jusqu'à la fin des temps ! Je lui ai offert la moitié de mon pain tout à l'heure. Je passerai la nuit prochaine en dévotion à la Ka'bâ. Qu'Hobal le grand mesure ma reconnaissance !
    Joignant le geste à la parole, Abu Talib inclina le buste au-dessus de son écuelle. Qu'il fût profondément pieux, et même jusqu'à la superstition, personne n'en doutait.
    Quand il se redressa, ses yeux n'étaient plus que deux fentes scintillantes. Bougeant à peine les

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