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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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ce qu'Abdonaï insiste. Le Perse ne s'en offusqua pas. Pas plus qu'il ne renonça à sa curiosité. Il désigna le baudrier sur les cuisses de Muhammad.
    — Cette nimcha, c'est une arme de Sham ?
    Muhammad ne répondit pas et ne porta pas les yeux sur le visage du Perse. Son regard ne déviait pas du visage de Khadija. Il ne voyait même pas la beauté d'Ashemou. Entre ses paupières aux longs cils, ses prunelles noires demeuraient fixement sur elle qui, une fois encore, songeait aux mots de Kawla bint Hakim : « Tu liras le cœur de Muhammad dans ses yeux. »
    Non. Dans ces yeux plus noirs que toutes les nuits qu'elle avait endurées dans l'attente de son retour, elle ne lisait rien.
    Mais sur les lèvres qui ne s'ouvraient pas pour répondre à Abdonaï, sur la peau des tempes et des pommettes de Muhammad, elle lisait l'éclat d'une beauté qui n'appartient qu'à la jeunesse. Aussitôt vint la pensée des caresses que les filles de la caravane, cette Lâhla bint Salîh et tant d'autres, sûrement, avaient prodiguées à ce visage à la chair si fine. La jalousie lui brûla le ventre.
    Oh, si Al'lat lui donnait le pouvoir de lever sa propre main pour effleurer du bout des doigts la bouche de Muhammad ibn `Abdallâh et y effacer ces traces anciennes !
    Une brise légère secoua les feuilles du tamaris. Les plus sèches tombèrent en pluie fine sur Muhammad. Il sourit, les chassa de sa chevelure. Ce geste réveilla Khadija. Elle eut conscience du silence descendu sur eux tous. D'une voix qu'elle voulut neutre, elle ordonna :
    — Raconte, Ibn `Abdallâh. Bois ce lait que je t'offre et raconte comment tu as sauvé notre caravane.
     
    Au cours de son voyage vers Mekka, Muhammad s'était préparé à ce récit. Et, sans vouloir le montrer, il était plein d'impatience de partager son aventure.
    Alors il raconta. Le piège des chamelles. Le mépris de Yâkût envers ce stratagème. L'attaque, le combat avec les mauvais. Comment, pour la première fois, sa main avait donné la mort.
    Nul ne l'interrompit. Tous, servantes, serviteurs, la vieille Barrira, Ashemou et Abdonaï l'écoutèrent avidement. Tous doublement enchantés et surpris par son histoire, mais aussi par l'aisance de ses paroles. Sa voix mélodieuse qui rappelait celle des poètes du désert possédait un pouvoir étrange qui donnait une chair de vérité à ce qui aurait pu n'être qu'imagination.
    C'était un tout autre Muhammad ibn `Abdallâh qu'ils avaient devant eux. Le neveu d'Abu Talib, le fils de rien, avait disparu. Tout jeune qu'il était, il savait se servir des mots aussi bien que les Anciens.
    Tandis qu'il leur faisait revivre sa lutte avec le pillard, comment il s'était emparé de la nimcha dans les hurlements des morts, le sang et les tourbillons des bêtes empêtrées dans les vieilles chamelles, ses mains s'agitaient et parlaient en même temps que lui. Elles empoignèrent l'arme qu'il portait à la ceinture. Elles le dressèrent au-dessus de sa tête. Chacun comprit que Muhammad ibn `Abdallâh n'avait eu d'autre choix que d'abattre la lame sur son adversaire. Avec des grondements de vieux guerrier, Abdonaï approuvait la fureur de Muhammad, agitait son poignet de cuir comme s'il retrouvait les gestes du combat.
    Khadija, étrangement, se sentit soudain libérée de sa jalousie et de ses craintes. Si elle ne parvenait pas à lire les pensées de Muhammad dans ses yeux, elle ne s'était pas pour autant trompée sur son compte. Celui qu'elle voulait pour époux était à nul autre pareil.
    Quand enfin Muhammad interrompit son récit pour boire un peu de lait, Abdonaï, impatient, demanda :
    — Où as-tu appris ce piège ?
    — Laisse-le donc se mouiller la langue ! protesta Barrira. Il doit avoir la gorge en poussière à force de parler. Bois et mange, neveu d'Abu Talib.
    Muhammad se sécha les lèvres d'un revers de la main et fixa enfin le Perse.
    — Le tour des chamelles, c'est quelqu'un qui connaît bien ton pays qui me l'a enseigné.
    Il mangea un peu de fromage écrasé entre des dattes, but une gorgée et reprit son récit.
    Deux années plus tôt, il avait accompli son premier voyage au pays de Sham. C'était un voyage pour apprendre et non pour décider, contrairement à ce que la saïda Khadija lui avait permis. Pour toute responsabilité, on ne lui avait laissé que l'entretien des bêtes.
    Sur le marché de Damas, il avait rencontré un marchand de Palmyre. Un homme d'expérience que le commerce poussait souvent

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