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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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dont l'insomnie gardait les yeux ouverts et la poitrine lourde, comme si la Pierre d'Hobal y reposait, entendit l'huis de sa chambre gémir sur ses gonds. Puis vint le souffle d'un appel :
    — Saïda...
    — Ashemou ?
    — Oui.
    — Approche. Ne réveille pas Barrira.
    Khadija devina l'ombre qui se mouvait dans la pièce. Elle respira le parfum de la jeune esclave lorsque celle-ci s'agenouilla près de sa couche.
    — Je ne dormais pas, murmura Khadija en réponse à la question qu'Ashemou n'osait poser.
    Elles se turent. L'une guettant le silence, l'autre n'osant le rompre. Ashemou finit par chuchoter :
    — Saïda, je sais pourquoi tu m'as fait asseoir à côté de toi sous le tamaris.
    — Ah oui ?
    — Tu as fait comme à Ta'if, avec le puissant Abu Sofyan. Tu voulais savoir si le regard de ton serviteur Muhammad allait fuir ton visage pour se poser sur moi.
    Khadija sourit dans l'obscurité. Ashemou continua :
    — Tu as pensé : « Mettons-lui ma belle esclave sous les yeux. Elle est jeune, et lui aussi. Il revient du pays de Sham comme un puissant revient victorieux d'une bataille. Peut-être voudra-t-il posséder le corps de l'esclave en gage de reconnaissance. »
    — Ashemou...
    — Saïda, cet homme ne ressemble pas au seigneur Abu Sofyan. Il ne voyait que toi. Il te regardait comme les hommes regardent une femme quand ils se rendent compte qu'elle possède bien d'autres grâces que son corps. Qu'elle abrite des forces dont ils ignorent tout.
    Elle se tut. Khadija resta muette. Ashemou s'effraya de ce silence.
    — Saïda, cet homme-là ne méprise pas. Même s'il montre beaucoup d'assurance, sa jeunesse est encore pleine d'étonnement. Ta beauté, il la voit. Elle l'éblouit. Ton âge et le sien, il n'y songe pas.
    — Et toi, pour ton âge, tu parles des hommes avec beaucoup d'aplomb.
    Ashemou soupira lourdement.
    — Être vendue au marché, nue sous les yeux des hommes, parmi les chamelles et les fèves, cela enseigne bien des choses. On vieillit vite.
    Khadija ne trouva rien à répondre. Elle serra tendrement la main de la jeune fille. Cela les apaisa toutes les deux.
    Elle rompit le silence :
    — Al Ozzâ demeure toujours sous ta couche ?
    — Ensevelie par Abdonaï et sans jamais venir me visiter dans mes rêves.
    Cette fois, il y avait de la moquerie dans le ton d'Ashemou.
    Khadija songea à la mettre en garde. Ce que les dieux voulaient et quelles étaient leurs ruses pour manifester leur puissance, on le comprenait toujours trop tard. Pourtant, elle dit simplement :
    — Viens t'allonger près de moi pour cette nuit. Si je reste seule, je ne vais jamais dormir.
     
    C'est ainsi que Barrira les découvrit au petit matin : couchées face à face, enveloppées dans ce qui restait de nuit. Se tenant par la main comme deux sœurs ou comme une mère et sa fille.
    Jalousie et mauvaises pensées lui mordirent le cœur. Elle eut un mouvement de recul. Elle, la trop vieille nourrice, depuis combien de temps n'avait-elle pas partagé le sommeil de sa bien-aimée Khadjiî, pour toujours son enfant de chair et de lait ?
    Elle se reprit, gronda :
    — Khadjiî ! Khadjiî ! Réveille-toi !
    Avec assez de force et de rage pour voir, avec plaisir, l'esclave Ashemou sursauter d'effroi, se dresser sur la couche comme si trente guerriers prêts à violenter la maisonnée venaient d'envahir la chambre.
    Khadija s'assit, posa une main apaisante sur la hanche de la jeune fille. D'un signe, elle réclama une explication. Cette fois, Barrira chuchota si bas qu'il fallait tendre l'oreille pour la comprendre.
    — La cousine Muhavija est dans la cour. La cousine Kawla l'accompagne. Elles viennent tout droit de chez le seigneur Abu Talib.
    Un instant plus tard, sous le tamaris, avant qu'Ashemou ne retourne de la cuisine avec un pot d'herbes infusées mêlées de lait et de miel, Kawla racontait déjà.
    La veille, comme saïda Khadija pouvait s'en douter, la fête dans la maison de l'oncle Abu Talib s'était prolongée jusque tard dans la nuit. Sans jamais se fatiguer de répondre aux questions ni de répéter plusieurs fois les mêmes histoires, Muhammad avait enchanté tout un chacun. Le temps passait vite autour des lampes à huile. Kawla, elle, grillait d'impatience. Dans l'après-midi, après une rude discussion, elle avait obtenu que l'oncle Abu Talib n'aborde pas le sujet des épousailles avec son neveu.
    — Je lui ai dit : « Laisse faire les femmes. Elles usent de mots que

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