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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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instant.
    Elle était revêtue d'une tunique ordinaire composée de longues bandes verticales d'indigo et de jaune. « Comme si tu portais sur toi la nuit et le soleil », dirait-il. Une ceinture bleu ciel brodée de motifs en étoiles d'où pendaient de fines ramures de cornaline et où sautillaient des billes d'argent, lui enserrait la taille. Ses yeux, agrandis par le khôl dont elle avait enduit ses paupières, brillaient sous les boucles cuivrées de sa chevelure, telles les ailes d'un oiseau s'échappant d'une forêt, dirait Muhammad. Les joues de Khadija étaient légèrement fardées. Sur chacune, elle avait dessiné au henné des étoiles d'Al'lat. Et, ainsi que la tradition de Mekka l'exigeait pour les veuves, deux traits parallèles d'un bleu sombre partaient de sa lèvre inférieure, glissaient sur son menton et s'achevaient dans la douceur de son cou.
    « Mais surtout, raconterait Muhammad, ce que j'ai vu d'abord, c'est que tu ne me reconnaissais pas. Ton visage était plein de questions. Qui était cet homme que ton fidèle Perse t'amenait ? Que voulait-il ? Apportait-il de mauvaises nouvelles de la caravane ? Puis, je ne sais comment, tu as découvert qui j'étais. Ta bouche, la première, me l'a confié. Pas avec des mots. Avec un léger frémissement. Nos yeux se sont parlés. J'ai su que tu ne me regardais plus comme un fils de rien ou un serviteur, mais comme une femme regarde un homme. »
    C'était vrai. Elle ne songea tout d'abord pas qu'il pût s'agir de Muhammad. Avec cette grande cape qui le recouvrait, il ressemblait à ceux qui vont, des lunes durant, sur les cailloux du désert, s'y enveloppant le jour sur leur chameau pour se protéger du vent, du soleil et de la poussière, s'y roulant la nuit pour vaincre le froid. Il n'était que l'un de ces hommes des sables dont on ne pouvait deviner le corps et dont le visage disparaissait sous la barbe.
    Peut-être crut-elle qu'on leur envoyait un nouvel émissaire ? Peut-être son cœur se préparait-il déjà à la déception d'entendre que la caravane avait du retard ?
    Du bout des doigts, l'inconnu retenait les pans de son vêtement qui s'entrouvraient sous ses pas. Elle remarqua le baudrier, la poignée de la nimcha et les sandales de cuir rouge. Des sandales neuves, à la pointe fermée, au cuir épais et brillant comme on en fabriquait seulement au pays de Sham.
    Alors elle scruta mieux la longue chevelure, les boucles ondulées reposant sur la laine poussiéreuse du manteau. Le temps d'un éclair, elle pensa que cet homme-là ne ressemblait pas au neveu d'Abu Talib. À cet homme de rien, ce Muhammad ibn `Abdallâh, à qui elle avait confié le commerce de sa caravane cinq lunes plus tôt. Celui qu'elle avait devant elle possédait une assurance, une aisance dont elle ne se souvenait pas.
    Jusque dans sa façon de s'incliner devant elle en prononçant son salut : « Saïda Khadija ! Que la paume d'Hobal t'offre une longue vie », il y avait des manières de puissant qu'elle ne reconnaissait pas.
    Non, non, celui qui était devant elle ne pouvait être celui qu'elle portait dans son cœur depuis des jours !
    Pourtant, au côté de l'inconnu, le sourire éclatant d'Abdonaï révélait ce qu'elle ne se résolvait pas à admettre.
    Enfin, comme l'étincelle embrase le fétu desséché, tout vint en même temps. Son nez, long et fin, tendu tel un arc. Son front haut. Ses prunelles de nuit, acérées et calmes, où dansait un éclat moqueur. Ses cils si longs qu'ils paraissaient ombrer les iris dorés. Et sa bouche. La longue bouche paisible de Muhammad ibn `Abdallâh.
    C'était bien lui.
    Pourquoi ne l'avait-elle pas reconnu sur-le-champ ? Comment était-ce possible ?
    La stupeur envahit Khadija. Oh, l'horreur qu'il la surprenne ainsi, pour ainsi dire nue dans son étonnement ! Très loin, si loin des scènes souvent imaginées. Une imagination de retrouvailles aussi naïve, aussi stupide que les rêves d'une jeune fille avant ses premiers mots d'amour.
    Muhammad ibn `Abdallâh, se méprenant sur son silence, s'inclina à nouveau devant elle. Il prononça son nom, plia le buste avec respect. Avec soumission, ainsi qu'un serviteur devait le faire.
    Oh, joie et épouvante ! Elle dut se retenir de se cacher le visage dans les mains. Se retenir de crier : « Enfin tu es de retour ! » Elle dut faire comme si rien d'étonnant n'était en train de se passer. Comme si son corps tout entier, des pieds à la tête, n'était pas

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