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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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creuse ; c’est son premier travail de force depuis sa sortie de l’infirmerie et je me demande avec inquiétude comment elle le supportera. Le temps passe. Habituée à la vie en plein air, je puis voir, d’après la position du soleil, que midi n’est pas loin. Nous reprenons toutes deux courage devant la perspective d’une halte.
    Un hurlement de sirène me donne bientôt raison. Déjà nous posons nos pelles, mais le S.S. bondit : « Los… los…» Mais alors, la halte ? La soupe ? Eh bien ! à Rechlin le règlement n’est pas le même qu’à Ravensbrück, tout simplement. La soupe se sert à la rentrée au camp, vers quatre heures et demie et la journée de travail s’accomplit d’une seule traite.
    Près de nous, les S.S. mangent avec appétit le contenu de leurs gamelles fumantes.
    En quelques jours, le kommando « fond ». Aucune de ces femmes n’est taillée, après de longs mois de déportation, pour supporter ces chantiers exténuants.
    — Alors lxxiii , devant ce peu d’empressement au travail, le châtiment est arrivé, abominable. Le commandant du camp, comprenant qu’il ne tirera rien de ces vieilles Françaises récalcitrantes, nous entasse dans l’antichambre de la mort, ce charnier humain innommable. C’est une ancienne salle des fêtes. Elle est déjà entièrement remplie de gravats où achèvent de mourir les typhiques et les tuberculeuses. Il faut, dans les allées larges de cinquante centimètres, que les deux cents à trois cents nouvelles arrivantes trouvent un espace pour dormir.
    Plus question de s’allonger, ni même de s’asseoir. Le corps, le pauvre corps brisé, prend des positions invraisemblables, accroupi, plié, affaissé, tordu, dans des postures qui n’ont plus rien d’humain. Si, durant la nuit qui commence pour nous à quatre heures, nous avons le malheur de toucher la paillasse d’une malheureuse allongée en bordure d’allée, elle rassemble ses dernières forces pour nous frapper à coups de pieds et de ceinture. Vous souvenez-vous, ma chère Tantine, de cette horrible nuit, ne pouvant trouver place pour votre pauvre corps, vous avez été si cruellement frappée par cette énergumène allemande, car il y en avait aussi ? À bout de résistance, vous m’avez appelée et je n’ai pu que vous dire : « Surtout, ne parlez pas pour ne pas qu’elle sache que vous êtes Française. » Et la nuit, sur l’ordre du commandant, toutes les lumières sont éteintes. Les malheureuses qui, sans arrêt, se rendent aux w.c., à l’entrée du block, doivent enjamber toutes ces larves enroulées sur elles-mêmes. N’y voyant rien, vacillant sur leurs faibles jambes, luttant partout, elles tombent en grappes sur nous, nous étouffent et nous écœurent de leurs abominables odeurs. Pauvres femmes, pauvres martyres. Toutes mortes évidemment ! Comme nous les maudissions quand elles revenaient et que leurs chaussures engluées se posaient sur les jambes, le dos, la tête d’une malheureuse qui avait pu s’assoupir une minute ! Parfois des hurlements de folle en furie se faisaient entendre dans la nuit. C’était une bataille atroce, acharnée, entre quelques femmes qui savaient à peine, les malheureuses, pourquoi elles se battaient ainsi.
    L’enfer de Dante ne fut pas plus horrible que cet espace grouillant de larves humaines hurlantes, appelant une mort rapide comme leur suprême espoir. Aucun autre ne peut subsister pour nous… Et pourtant, je me surprends un soir à répéter : « Non, malgré tout, je ne veux pas crever ici. »
    Comme suite à cette salle dantesque, il reste deux autres endroits aussi terribles ; la barre horizontale, placée devant la porte du vestibule, et le vestibule lui-même.
    Imaginez une planche de deux centimètres d’épaisseur soutenue par deux poteaux. Elle est placée à une hauteur telle qu’une personne peut s’y asseoir, mais seulement en se hissant un peu. Cette barre sert à canaliser les foules qui entrent dans le vestibule ou en sortent. Eh bien ! mes amies et moi, nous l’avons utilisée pour dormir. M me  B…, d’Angers (soixante-trois ans) ne peut, ni ne veut s’asseoir par terre. Quand elle est fatiguée de rester assise sur ce coupant par trop inconfortable, elle dort debout appuyée au mur. Marie-Thérèse, avec sa jambe raide, y passe une grande partie de la nuit. Tantine et moi, nous alternons vers le milieu de la nuit, épuisées d’être sur cette barre, nous tâchons de trouver un

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