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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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coin par terre à côté, mais nous sommes dans le passage… Gare les horribles pieds sur les jambes et la tête.
    Personne ne croirait que, pour garder cette barre incommode, mais qui, du moins, nous élève au-dessus de la fange, nous nous précipitions dès quatre heures, aussitôt l’appel terminé, et qu’à l’occasion nous nous battions pour défendre ce bien précaire. Car, si nous sommes refoulées dans le vestibule, c’est encore plus horrible : les trois w.c. (pour huit cents femmes) débordent sans arrêt et nous sommes assises dans ce flot.
    Et puis, une dernière terreur nous éloigne de ce coin : c’est celui des mortes et des moribondes empilées qui attendent là jusqu’au lendemain matin.
    Une nuit, j’ai eu grande pitié : une malheureuse folle hurlante avait été couchée, pieds et bras liés, près des w.c. débordants. Le spectacle était atroce.
    Ajoutez à toute cette horreur que personne à peu près ne fait sa toilette. Pour se laver, il faut aller la nuit à côté des w.c., à un unique robinet fermé pendant le jour. La salle ne contient aucun lavabo. Et quelle toilette ! On enlève sa robe, on tue le plus possible de poux (nous en sommes couvertes) et c’est par centaines que nous les comptons. Les malheureuses étendues sur leur grabat ne se lavent jamais et on peut imaginer le pullulement de vermine qui grouille sur ces corps entassés.
    Pour ne pas diminuer la quantité de soupe qui nous est attribuée, nous gardons les mortes un jour ou deux sans les déclarer : leur ration augmentera un peu la part des vivantes. Les gamelles et les quarts sont rachetés pour des parts de pain à des filles qui en font le commerce : elles les volent aux unes pour les vendre à d’autres. Et quelles odeurs n’ont-elles pas ? Mais nous avons si faim que nous n’avons aucun dégoût.
    *
    * *
    Dans lxxiv le jour, les courants d’air par les fenêtres ouvertes : on gelait ; la nuit, toutes les fenêtres closes, les volets clos : on étouffait. La nuit, on avait quelquefois de la lumière ; le plus souvent, tout était éteint.
    Les fenêtres, en principe, devaient être ouvertes, elles ne l’étaient jamais.
    Alors, dans un halo de vapeur, parmi les corps si serrés qu’il était impossible de se mouvoir, nous étions allongées, par quatre, dans un espace à peine assez large pour deux, couchées tête bêche, partout sur le sol, sans même une petite allée pour se frayer un chemin. Le cauchemar horrible commençait.
    Pour aller aux toilettes (un réduit où l’on comptait six cuvettes pour huit cents femmes), on devait marcher sur tous ces corps entassés. Les cris, les injures, les coups, les gémissements, les batailles, tout cela faisait une affreuse mêlée, un bruit assourdissant, où les râles des mourantes (car on mourait pendant ce temps) se perdaient dans le tumulte indescriptible.
    Les Tziganes sauvages profitaient du désordre et, dans le vacarme grandissant, volaient le pain de leurs voisines, pillaient leurs sacs, usant de leurs ongles pour égratigner les visages jusqu’au sang ; quelquefois, elles n’hésitaient pas à sortir leur couteau… Les hurlements d’égorgées, d’écorchées, de blessées… Quand on avait de la lumière, on m’appelait :
    — Croix-Rouge, un pansement… venez !
    — Un pansement, avec quoi ?
    J’avais seulement de l’eau et, les jours de richesses, un peu de sel…
    Sérum physiologique ?…
    Il fallait une bande.
    Faire un bandage ?… Avec quoi ?
    Au milieu de la salle, essayant de dominer le tumulte, je hurlais pour demander un instant de silence. Une petite accalmie me permettait d’envoyer un S.O.S. aux camarades.
    « Mes chères camarades, une des nôtres est blessée, si j’avais un peu d’étoffe, je pourrais essayer de faire un semblant de pansement. »
    Alors l’une déchirait un bout de sa chemise. Et c’était vraiment un geste charitable. Une autre donnait un bout de mouchoir. À force de chercher, on trouvait une pauvre loque que l’on baptisait bande.
    Sale, hélas !…
    Avec cela, oui, avec cela, je devais faire un bandage.
    Comme je pensais alors aux cours d’infirmières, quand nous devions, avec des gestes précis, exécuter de savants bandages, où nous mettions tout notre art !
    Hélas ! à quoi, mon Dieu ! à quoi vraiment, me demandai-je, cela pouvait-il bien servir ici ?…
    Et cependant, le pansement – ou ce qui en portait le nom – était fait, la blessée se calmait un

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