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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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peu.
    J’essayais de lui sourire, c’était mon seul remède, mais j’y mettais toute ma confiante sérénité. Je lui affirmais qu’elle souffrirait moins. Elles me croyaient toujours, les malheureuses, et, pendant un petit moment, je leur racontais des histoires pour bercer leur mal, comme on fait à des enfants.
    Je me souviens de mes petites amies de Kœnigsberg, toutes si malades, et qui me demandaient de venir près d’elles pour que je leur raconte de bons menus de Normandie et pour leur sourire. Elles disaient qu’elles allaient mieux après cela.
    Pauvres petites, elles m’étaient devenues très chères…
    Pendant ces horribles journées et ces nuits d’enfer, notre fatigue s’augmentait de la faim affreuse qui nous tenaillait.
    Nous avions le pain en dix (c’est-à-dire cent grammes chacune) et une demi-louche de soupe.
    Mais le plus souvent, nous avions un jour le pain, le lendemain la soupe.
    Nous tombions de fatigue et de faim.
    Des appels presque constants dans la journée nous laissaient dehors, debout dans la neige, dans le froid. Et le plus souvent pour rien. Seulement pour le plaisir de nous faire souffrir.
    J’ai vu alors des choses inouïes.
    Une petite Russe, devenue folle, folle de faim, cherchait à mordre ses compagnes. Elle devenait dangereuse. Alors ce fut très simple :
    On lui lia les poings et les pieds, puis on la jeta dans le coin des w.c…
    Ce réduit, trop petit pour les huit cents prisonnières que nous étions, débordait d’eau douteuse, malodorante, qui souillait sans cesse la pauvre enfant jetée là et qui ne se défendait même plus. Son visage, ses vêtements trempaient dans ce cloaque immonde. La nuit, on marchait sur elle, dans l’obscurité.
    Plusieurs fois, j’avais cherché à l’éloigner, mais on m’avait ordonné de la laisser là.
    Timidement, je l’avais éloignée un peu… pour qu’au moins elle évite les coups de pieds, mais ses bourreaux l’avaient repoussée dans le passage.
    Au bout de quatre jours et quatre nuits, elle était toujours vivante… Elle fut alors emmenée dehors et achevée à coups de bâton… Ce n’est pas tout…
    J’ai vu encore cette affreuse chose…
    Des femmes mourantes dont l’agonie durait trop au gré de nos gardiennes… Ces brutes mettaient alors ces mourantes nues, sous une légère couverture, et la civière était portée sur la neige… Le froid glacial les achevait.
    J’ai vu quatre éclatements de rétine dus à quatre coups de schlague… donnés par des policières polonaises et allemandes.
    Elles prenaient un ceinturon militaire et, avec la boucle, cinglaient les visages en travers, pour être sûres de ne pas manquer les yeux… Et elles ne les manquaient pas !
    Ces quatre coups de schlague, il m’a semblé les avoir reçus moi-même.
    J’ai vu ces pauvres yeux blessés, qui regardaient sans voir.
    J’ai entendu se plaindre ces malheureuses qui n’avaient d’autres soins que quelques gouttes versées au hasard dans l’œil par l’infirmière-major… cette autre brute…
    Et, encore, elles avaient reçu de nouveaux coups parce qu’elles avaient osé dire que c’étaient les policières qui les avaient ainsi blessées…
    J’ai entendu leurs gémissements…
    J’ai vu leurs pauvres visages tournés vers moi, espérant que j’allais pouvoir les soigner, les panser, les calmer.
    Mais l’infirmière-major refusait impitoyablement.
    Quelle peine j’avais de ne pouvoir rien faire ! Rien.
    Les consoler ?
    Les calmer ?… Adoucir, apaiser leurs souffrances…
    Non… Non, même pas cela… Elles souffraient trop…
    Oh ! ces quatre coups de schlague, parmi tant d’autres reçus, hélas !…
    Je ne leur pardonnerai jamais.
    Je me suis juré de venger mes camarades et je ne serai heureuse que lorsque cela sera fait.
    Je me suis souvent demandé pourquoi nous ne sommes pas toutes devenues folles pendant ces jours de cauchemar.
    Je me suis pris bien des fois la tête dans les mains et, dans ce milieu d’aliénés, j’interrogeais mes compagnes pour savoir si elles ne se sentaient pas devenir folles aussi.
    Nous avons atteint, à ces moments-là, un degré de souffrance morale qu’il est, je crois, difficile de dépasser.
    Rien ne peut en traduire et en rendre l’intensité…
    *
    * *
    Maisie Renault, jour après jour, connaît tous les chantiers.
    — Lucienne lxxv et moi, assises dans un wagon en compagnie de deux autres Françaises, regardons les énormes caisses qui nous

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