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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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innombrable, agissante, et qui enveloppe notre faiblesse d’un réseau protecteur ! Nous ne sommes plus seules, perdues dans ce désert d’épouvante, implacable comme la mort. Soudain – comme si quelque chose de très dur se fondait en nous, cette tension de bête traquée – nous voici redevenues des femmes, confiantes, accrochées à quelque ombre encore de bonheur ; de pauvres femmes qui cherchent l’appui d’une épaule, et dans leur infinie détresse goûtent, comme un baume sur une blessure, l’apaisante douceur d’être consolées.
    Enfin, vint le jour du miracle. Nous le savions imminent, sans que rien nous en eût précisé la date. Nous venons de rentrer du travail, harassées comme de coutume. Mais il a fait très beau aujourd’hui, et malgré le froid du soir qui pénètre nos minces vêtements, il y avait dans ce soleil, plus limpide à l’heure du couchant, qui roulait sur la route comme un fleuve de lumière, quelque chose de jeune, de neuf, la fraîcheur d’une espérance. Les « tic tac » de Christine égrenés en notes de cristal, s’envolaient comme une sonnaille de cabris sauvages.
    Peut-être viendront-ils demain, murmurions-nous en regardant grandir le mirador sur le ciel d’eau profonde. Peut-être même – qui sait ? – viendront-ils aujourd’hui ? Il n’est pas trop tard encore…
    Et voici qu’à peine franchis les barbelés, Badine se précipite vers nous, faisant des moulinets avec sa baguette, gourmandant les gardiennes.
    — Schnell hinein ! Zu ! Zu lxxxiv  !
    Les femmes en uniforme nous poussent comme un troupeau dans la bâtisse de ciment qui nous sert d’abri. Les portes sont fermées à double tour. Mais nous avons le temps d’apercevoir, dans le tumulte de cette rentrée à l’étable, un camion qui s’arrêtait devant la barrière. Une plate-forme découverte, chargée de sacs, de paquets, de toute une cargaison en vrac, avec de grands garçons debout dont nous avons tout de suite reconnu les silhouettes.
    — Ce sont eux ! Bravo ! La vie est belle !
    Un feu d’artifice semble éclater dans nos têtes.
    — Il faut les voir ! Ah ! non, nous ne poiroterons pas derrière les murs !
    C’est une ruée vers les fenêtres. Les battants sont arrachés. Dans l’embrasure béante, nous nous penchons toutes. On dirait des essaims agglomérés. Il y a quatre-cinq étages de têtes. Nous nous grimpons sur les épaules, sur le dos les unes des autres. Des bustes ployés menacent de faire le plongeon à l’extérieur.
    — Les vois-tu ?
    — Oui, oui, les voilà ! Ils entrent !
    Devant la façade de notre prison, Badine hurle, nous menace de sa baguette magique.
    — Fenster zu ! Alle hinein lxxxv  !
    Et les gardiennes s’égosillent, nous poussent de leurs poings dans la figure. Mais une tête rentrée en fait surgir deux autres. Impossible de maîtriser cette force qui nous bande.
    — Restez calmes ! Aucune manifestation ! nous jette, sans presque se retourner, le sous-officier en béret de chasseurs alpins qui vient de sauter du camion, et devinant notre exaltation, craint pour nous des représailles.
    Il est flanqué d’un feldwebel impeccable et correct. Derrière eux une demi-douzaine de soldats français enlèvent sur leurs épaules les sacs, prennent par brassées les colis, s’en viennent, comme des bonshommes de Noël pleins de surprises et de prodiges.
    Nous les dévorons des yeux, tandis qu’ils déposent leurs fardeaux en face de nos fenêtres bourdonnantes, dans un appentis que leur a désigné Badine qui, maintenant, s’affaire autour d’eux, de son pas relevé et dansant de cheval de cirque.
    — Qu’est-ce que tu crois qu’il y a dans ce sac ? C’est lourd !
    — Ce sont des haricots, j’en ai vu tomber quelques-uns.
    Les réflexions vont leur train, à voix étouffée, parmi les têtes en pyramides qui se tendent, cognent, poussent, écarquillent des yeux émerveillés.
    — Ça, ce sont des boîtes de gâteaux secs.
    — As-tu vu les plaques de chocolat ? Il y en a des piles !
    — Veine ! Des tricots ! On n’aura plus si froid, le matin, pour aller aux champs.
    — Ni dans les courants d’air de l’usine !
    Trois petits fantassins, chargés comme des baudets, marchent à pas comptés, le nez dans la pile de chandails, de chaussettes, de cache-nez, qui débordent de leurs bras. Et ils profitent de cet écran pour couler au passage un coup d’œil joyeux vers nous.
    — « C’est pas

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