Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
son tour. La Gestapo vint sur les lieux, conclut au sabotage. En représailles, il vint de Leipzig un régiment de tout jeunes S.S., de grands diables blonds de dix-sept ans à dix-huit ans, qui sans répit matraquaient les forçats obligés de récupérer les débris. Pendant trois jours cette fleur de la jeunesse hitlérienne s’amusa royalement à martyriser les Juifs. Nous étions également de corvée mais ces messieurs avaient évidemment reçu ordre de ne pas nous toucher. Nous défilions passives, en traînant nos caisses à travers ce jardin des supplices. C’est ainsi que fut fondée, dans le sang et les larmes, la seconde usine de Schlieben.
    — Cette nouvelle usine n’était qu’un ensemble de baraques construites hâtivement au bord du bois. Elle ne battit jamais que d’une aile. Nous eûmes alors une période bénie : on nous donna des chandails, de beaux manteaux civils – où pendaient des lambeaux d’étoiles jaunes – ; la soupe devint véritablement mangeable et grâce à la complicité des quarante Gitanes restées à la cuisine, nous pouvions voler un appréciable supplément de nourriture sous forme de pommes de terre et de carottes crues, seul remède à l’avitaminose dont nous souffrions. Les hommes aussi eurent des manteaux, mais pour eux, cela s’arrêta là. Les parrains nous couvraient de cadeaux clandestins ; j’avais deux ou trois fois par semaine la joie de lire un journal : la libération de la France, l’avance alliée sur le Rhin nous éblouissaient. À l’usine les matières premières manquaient fréquemment. En tant que chef d’équipe, j’eus souvent l’occasion de m’entretenir avec le directeur et le personnel civil ; tous semblaient souhaiter une fin prompte de la guerre. À deux ou trois exceptions près, ils se montraient vraiment aimables envers nous. Je me demande jusqu’à quel point leur attitude humaine était dictée par le trouble où les jetaient les événements. Malgré leur gentillesse, ils restaient esclaves de leurs préjugés ; ils avaient des égards pour nous parce que nous étions les représentants d’une grande race ; mais les Juifs, à leurs yeux, restaient des « chiens ». Il convient néanmoins de signaler qu’à cette époque une affiche signée du directeur fut apposée dans les ateliers, invitant les contremaîtres à ne pas battre les Juifs exagérément : car « il est dans la nature de tout Allemand de savoir garder la juste mesure » (es liegt im Gefühl eines jeden deutschen Mannes, das richtige Mass zu bewahren). Cependant je n’ai connu que deux Allemands qui, vraiment, ont fait tout ce qui était de leur devoir d’honnêtes gens, envers qui que ce soit, et cela jusqu’à épuisement de leur possibilité. L’une était une femme âgée, surveillante à l’atelier, qui avait tout perdu à la guerre et se consolait volontiers avec la dive bouteille ; employée dans la maison, elle avait l’oreille du directeur et l’alerta dans plus d’un cas pénible, notamment lorsqu’on nous privait de nourriture. Elle y avait du mérite, car elle souffrait de cette crainte étonnante qu’ont les Allemands vis-à-vis des supérieurs hiérarchiques et des gens en uniforme. L’autre était notre « meister » (chef d’atelier) ; petit commerçant requis visiblement tuberculeux, il avait déjà eu des histoires en Pologne pour excès de bonté. C’était un homme profondément juste et sensible, un pacifique qui livra des batailles par amour de la justice. Aimant son pays, profondément honteux des horreurs nazies, souffrant de la défaite qu’il voyait inévitable, il avait sur ceux qu’il approchait une influence exquise. C’est seulement à la toute dernière minute qu’il laissa entendre qu’il était communiste.
    Fin novembre, les choses se gâtèrent ; une seconde cartoucherie fut créée, et à cet effet, l’on fit venir de Ravensbrück une centaine de Françaises nouvelles. Elles arrivèrent complètement transies par trois jours de wagons à bestiaux, sans bas, pitoyablement vêtues ; toutes souffraient de la dysenterie, elles étaient pleines de vermine et nous contaminèrent aussitôt. Sur Ravensbrück, où régnait le typhus, elles nous racontèrent des histoires épouvantables. Mais il y avait pis ; bien qu’elles portassent le triangle rouge des politiques, beaucoup d’entre elles n’étaient que des travailleuses libres qui, alléchées par les affiches de la relève, étaient

Weitere Kostenlose Bücher