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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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bout de six semaines, amaigrie et repentante, et accepta aussitôt les hommages très ardents d’un alerte quinquagénaire de l’usine. Elle restait ainsi dans le camp de l’opposition. Puis, une Gitane fut trouvée enceinte et affirma ne pas être la seule ; toutes les femmes furent soumises à une visite médicale. Il y avait au camp des hommes cinq ou six médecins de nationalités diverses ; la plupart gardaient une belle attitude et vivaient dans une demi-disgrâce chronique ; mais le Hongrois de la collection, un plat intrigant, s’était fait l’esclave du commandant et excellait dans ce genre de besogne dont il s’acquittait avec une brutalité rare. L’enquête n’aboutit qu’à faire découvrir la faute d’une seconde gitane, mais un mois plus tard on eut lieu de supposer qu’un des docteurs avait mal fait son travail. On recommença et cette fois les Aufseherinnen surveillèrent minutieusement l’opération. Il y avait parmi nous plusieurs jeunes filles de dix-sept et dix-huit ans. Ces dames furent naïvement surprises de constater qu’elles étaient effectivement vierges.
    — Mais si l’on surveillait férocement notre vertu, l’on prenait par contre fort peu de soin de nos personnes. Il nous arriva de ne pouvoir changer de linge pendant trois mois. Nous lavions nos chemises et nos robes en cachette, à nos risques et périls, car c’était sévèrement interdit, de crainte d’abîmer les tissus ersatz. Une fois par mois nous touchions, en théorie, une savonnette ou une cuillerée de lessive : tout juste de quoi se faire un shampooing. Quand vinrent les gros froids, les conduites d’eau gelèrent et l’on se trouva dans l’alternative de ne rien boire ou de se laver dans son quart de faux café. Bien entendu, en conséquence de cet état de choses, on érigea en axiome : die Franzosen sind Schweine.
    — Autre conséquence de notre état de saleté, le typhus éclata au camp, amené probablement par les nouvelles venues de Ravensbrück. Huit femmes, dont j’étais, furent atteintes et isolées aussitôt dans une infirmerie où la tempête soufflait à travers toutes les planches des murs et du plafond. Les S.S. affolés nous expédièrent le corps médical au complet, qui ne put que constater le fait. En désespoir de cause on appela le médecin de Schlieben qui fit une prise de sang et constata officiellement sur un beau papier rose que nous avions tant pour cent de bacilles. Mais il n’y avait pas l’ombre de médicaments : on disposait de quelques tablettes d’aspirine-ersatz pour les vivants et d’une piqûre de cocaïne pour les agonies trop pénibles. Aussi je garde une vive gratitude au docteur polonais qui, faute de mieux, s’efforça de maintenir éveillé en nous le désir obstiné de vivre. Le médecin allemand eut l’occasion de nous interroger et parut vivement frappé de ce qu’il apprit. Il se démena pour ramener de Leipzig une quantité suffisante de vaccin et l’épidémie fut enrayée. J’ignore les ravages exacts qu’elle fit du côté des hommes. Deux des docteurs furent atteints et l’un d’eux en mourut. Dans notre groupe, je fus remise la première et le travail ne me manqua pas. Nous étions quasiment abandonnées à nous-mêmes et je tenais à peine sur mes jambes que j’eus à soigner les plus malades et à assister la première agonisante. Les corps étaient emmenés à Leipzig pour y être brûlés. À la première occasion, ils furent renvoyés, parce qu’il n’y avait plus de combustible. On finit par enterrer hâtivement, les Juifs dans une sablière de la forêt, les aryens dans une concession du cimetière de Schlieben. Pour compliquer le tout, la scarlatine recommença et, faute de local, on mit les scarlatineuses avec les typhiques. Sur ces entrefaites, je reçus un envoi miraculeux : cinq gros colis de la Croix-Rouge de Genève qui sauvèrent positivement la vie à certaines d’entre nous.
    — Quand je sortis de quarantaine, début février, la fin de la guerre ne faisait plus de doute. Il suffisait de se mettre à la fenêtre pour voir, sur la grande route qui traversait le fond du paysage, la longue file de chariots, venus de Prusse orientale, que l’on évacuait vers la Saxe, à travers les tempêtes de pluie et de neige. Nos S.S. devenaient de plus en plus nerveux ; en plus des bombardements quotidiens sur Berlin et Leipzig, on entendait, très lointain, le canon russe. Le problème pour nous, était de savoir

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