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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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hommes dont l’aspect n’avait rien d’engageant ; ils semblaient tous étrangers. Il y avait des Russes, des Italiens, des espèces de métèques. Les bonnes physionomies françaises que nous escomptions n’étaient pas là.
    Après l’attente habituelle et le comptage accoutumé, nous voilà dirigées vers une de ces bâtisses, toutes semblables, qui forment certainement une usine car le bruit des machines vient jusqu’à nous.
    Nous entrons dans le bâtiment 18, montons un escalier et pénétrons dans un grand hall de ciment absolument nu. L’endroit paraît à peine terminé, le plâtre n’est pas sec, on est saisi par l’humidité des lieux. Sans doute allons-nous faire là une petite pause avant d’entrer dans notre camp.
    Peu à peu la vérité se fait jour, nous étions bien « chez nous », mais nous n’étions pas attendues ; de sorte que les premiers jours, nous devrons vivre dans un dortoir absolument vide, coucher par terre en attendant les lits, avec une seule couverture de coton, une gamelle pour quatre, sans cuiller. La gamelle ne pouvant pas être rincée, faute d’eau et nous-mêmes ne pouvant pas nous laver.
    Cette première soupe, horrible, aux feuilles de betteraves et qui n’arriva que le lendemain (nous n’étions pas attendues), je dus la boire dans la même gamelle, et après une Russe à la figure et aux lèvres boursouflées d’impétigo. Elle nous laissa l’impression, comme aussi la nudité dans laquelle nous nous trouvions, que nous étions mal tombées.
    Quelques jours après notre arrivée, alors que je suivais un cours d’anglais pour « tuer le temps », on vint me prévenir discrètement que des requis de Loire-Inférieure se trouvaient là, et ayant appris ma présence, demandaient si je pouvais aller les voir par la fenêtre des w.c. Je ne fus pas longue à me rendre à ce rendez-vous d’un nouveau genre, et grimpant le long de la fenêtre, je pus me hisser jusqu’au vasistas. Dehors, dans un terrain vague, quelques garçons faisaient semblant de jouer au football ; de temps en temps, l’un d’eux paraissant se reposer, s’approchait du mur, et, sans lever la tête, se présentait en disant quelques mots.
    Quelle émotion pour moi d’entendre des noms connus : Miglioretti de la Touche-d’Erbray, Goude de Ruffigné, Galais de Saint-Mars-la-Jaille, Glemaud de Châteaubriant, Bonneaud de Saint-Aubin-les-Châteaux, etc. Par la suite, je devais voir aussi Sauvaget de Saint-Julien, Leplan, Ruffigné, Lelièvre de Treffieux, Auby de Sion-les-Mines, Crosnier de Châteaubriant, etc. Plusieurs Nantais me connaissaient aussi sans que je les connaisse. Je ne vis pas Barat de Châteaubriant, resté à Eisenach, et qui ignorait – me dirent ses camarades – la tragique aventure arrivée à sa sœur, Berthe Binesse. Cette présentation fut très brève ; de si loin, de si haut, je distinguais mal des physionomies, je comprenais mal ce qu’on me disait, mais je sentais tant de gentillesse, de sollicitude, que j’en fus infiniment touchée et qu’à partir de ce moment-là je ne sentis plus mon dépaysement ni ma solitude.
    J’avais ici un peu de mon pays, c’était vraiment plus qu’un heureux hasard, c’était providentiel d’avoir retrouvé, dans ce coin perdu d’Allemagne, les requis de mon département.
    Tout le groupe de requis, parti en novembre 43, avait été envoyé à l’usine d’aviation B.M.W. (Bayeriche-Motoren-Werke), une des plus grosses d’Allemagne, située à Eisenach. Eisenach ayant été fortement bombardé, les Allemands avaient replié leurs machines dans les bois et avaient formé ce camp Anton où nous nous trouvions. Les constructions, de briques légères (on voyait le jour entre les fentes) dataient de très peu de mois ; elles n’étaient même pas terminées et ne le seront, du reste, jamais. Nous voyions le matériel arrivé par la gare : de splendides machines de toutes nationalités, beaucoup provenant de chez Gnome et Rhône.
    Ainsi éparpillée, l’usine devait passer inaperçue. On y fabriquait de toutes petites pièces qu’une seule autre maison d’Allemagne confectionnait aussi. Dans un bâtiment, très secret, on faisait des ailettes de V.2. Il y avait quatre mille personnes environ employées dans ces ateliers d’Abteroda, la plupart des étrangers : Italiens, Tchèques, Polonais, Belges du S.T.O. et prisonniers belges transformés en travailleurs, des Russes (hommes et femmes), des requis français

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