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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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nous avions roulé les Allemands et les avions bien roulés.
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    Le 8 février cxii , cent vingt-cinq d’entre nous furent désignées pour un départ. Séparation dont nous ne savions rien. Partaient les ouvrières accusées de sabotage, contact avec les requis, etc. Dès le lendemain, elles étaient remplacées par cent vingt-cinq Italiennes et Russes, venant de Ravensbrück et qui étaient lamentables. Beaucoup durent aller au revier malgré l’encombrement. Elles firent des récits épouvantables sur Ravensbrück. Plusieurs venaient aussi d’Auschwitz et montraient leurs genoux déformés et tuméfiés à la suite de gymnastique sur du verre pilé. Les petites soviétiques nous racontèrent pendant les alertes ce qui se passait chez elles, ne se faisaient aucune idée de ce que pouvait être la vie dans un pays libre.
    Dès le lendemain de leur arrivée, elles commencèrent à travailler, et nous avions presque oublié que nous devions partir aussi, lorsque le 24 à sept heures du matin, on accourut nous chercher aux pluches : « Schnell, schnell, départ dans une heure. » Des wagons venaient d’arriver, qu’il fallait utiliser sur-le-champ. J’avais eu le temps de laisser à un ouvrier belge les petites choses auxquelles je m’étais attachée : trois ou quatre petits canifs destinés aux enfants, un livre de messe des prisonniers, et mes recettes de cuisine. Nouveau départ, nouveau changement de vie. Mais cette fois on nous avait dit que nous étions punies, que nous allions retourner à Ravensbrück. Nous craignions le pire.
    Encore un transfert, dans les mêmes conditions inhumaines ; le même entassement ; le même froid ou plus encore, qui vous paralyse ; le même dénuement ; la même absence de nourriture. Je revois tout comme un cauchemar : les malades, les tinettes qui se renversent, les cris des femmes, les beuglements des Allemands… pendant que le train roule pourtant assez régulièrement cette fois, et nous dépose le lendemain, le 25 février, après avoir contourné Leipzig, le long d’une nouvelle usine.
    L’endroit est sinistre, les têtes qui nous accueillent féroces. Où pouvons-nous être ? Encore dans une usine d’aviation, une filiale Junker, doublée d’un camp de concentration.
    Jamais nous n’avons été si mal reçues. D’habitude, à l’arrivée, c’était au contraire la fausseté allemande dans toute son étendue « Vous verrez comme vous serez bien…» ; ici c’est directement la baguette : « En avant, marche », même pour les malades. Cinq par cinq, au pas, escortées de nos gardiens, Aufseherinnen et chiens, nous pénétrons dans notre nouveau camp.

XVII
MARKLEEBERG
    Je n’ai cxiii pas grand-chose à dire sur Markleeberg. Nous retombions dans le vrai camp de concentration, camp disciplinaire de Juives hongroises, c’est-à-dire que nous n’allions y trouver aucun des « avantages » des kommandos de travail. C’est un camp triste, gris, entouré pourtant de quelques arbres et dont le centre est occupé par une piscine carrée. Tout autour des blocks d’aspect lugubre, avec l’entourage obligatoire de fils électrifiés et de barbelés. C’est dehors, sur la place, que nous sommes une fois de plus dépouillées de tout, même de la boîte de sardines ou de pois cassés envoyée par la Croix-Rouge.
    Une kapo hongroise qui aide les Aufseherinnen, nous conseille de lui donner nos alliances qui seront prises à la douche. Prises pour prises, tentons notre chance. Le moindre papier trouvé sur soi risque d’amener une punition collective (les livres de prières, les recettes de cuisine, tout a disparu). Je voudrais bien garder quelques feuilles, dissimulées dans la doublure de ma ceinture, mais je ne veux pas faire punir tout le monde si ces pages sont trouvées…
    Enfin, entrées au camp, frissonnantes et mortes de faim, nous retrouvons nos camarades parties d’Abteroda quinze jours avant nous. Toutes, sans exception, sont rasées et ont fait, parait-il, un voyage extrêmement pénible. Parties le 8 février, elles ne sont arrivées que le 12 ; bombardées à Gotha, puis attachées à un train de munitions, elles n’ont reçu pendant ces quatre jours ni eau ni vivres. Le froid étant très intense, on leur a mis à l’intérieur du wagon un poêle qui a provoqué un début d’asphyxie. Celles qui s’endormaient étaient cravachées et on les a obligées à finir le voyage debout. À l’arrivée, douze heures sous la

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