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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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reprises, mais je pus consolider quelques vêtements en lambeaux.
    Parmi les cadeaux reçus, un évangile de Migli me fut d’un grand réconfort. Je l’ouvrais au hasard et, chaque fois, le verset qui me tombait sous les yeux semblait écrit pour moi : les lys des champs, les passereaux, la mesure pleine, tassée, débordante.
    *
    * *
    Des cxi équipes de jour et de nuit furent constituées. Une semaine sur deux, on se trouvait par conséquent de nuit, debout devant une machine, de dix-huit heures à six heures. Il nous fallut apprendre rapidement à conduire ces machines. C’est ainsi que je devins « tourneur-fraiseur » et dus travailler sur d’énormes machines devant lesquelles il nous arrivait de nous trouver mal. À bout de forces, le cœur fatigué, les jambes enflées, l’estomac vide, la tête bourdonnait,… on tombait…
    Mon frère était passé « prisonnier transformé » peu de temps avant. Les motifs de sa décision ne peuvent être discutés, je ne me permets aucun droit de critique sur lui à ce sujet. J’avais réussi à lui faire envoyer une nouvelle lettre et à en recevoir une réponse.
    Je dus m’installer dans les water-closets pour la lire, accompagnée de Zette, qui prit part à ma joie, à mes larmes, à mon anxiété. Il me prévenait, en effet, qu’il viendrait me voir quelques jours après. Comment pouvait-il oser entreprendre une pareille aventure ? Je savais que, s’il était pris, cela lui coûterait au moins la forteresse. Quant à moi…
    Il arriva un matin, alors qu’heureusement j’étais d’équipe de jour, par le train spécial qui amenait les ouvriers venant d’Eisenach, ville importante située à trente kilomètres de l’usine. Il s’était fait aider pour cela par les requis français qui empruntaient le train chaque jour. Un garçon complaisant, Émile, vint me prévenir discrètement de son arrivée, me recommandant de rester calme. Quelques secondes après, mon frère était devant moi, pâle, maigre et défait par l’émotion. Je tremblais pour lui, car pour moi rien n’avait plus d’importance que cet instant de bonheur. Je ne pus que lui dire de ne pas m’approcher et je fondis en larmes, malgré la promesse que je m’étais faite de tenir bon devant lui. Soudain, le chef meister vint le tirer par le bras, lui demander ce qu’il faisait là. Zette et moi étions clouées par la frayeur. Il lui répondit en parfait allemand que sa machine se trouvait plus loin. Le meister crut qu’il cherchait un outil. Mon frère traversa alors l’usine sans se retourner ; j’attendis, inquiète, bouleversée, attristée de n’avoir pas pu lui dire deux paroles. Les requis, qui avaient tout prévu, le cachèrent dans leur baraque. Émile m’amena une longue lettre de lui dans la matinée. Je résolus de le voir à nouveau. Nous montions manger notre soupe à midi dans le dortoir et n’étions pas toujours comptées. Je ne suivis pas, ce jour-là, mes camarades, Zette étant partie en éclaireur voir si on nous comptait. La chance était avec moi, ces dames furent négligentes, je pus rester. Les requis me cachèrent entre des placards et à 12 h 10, je reçus mon frère dans mes bras. On l’avait affublé d’un bleu de travail, avec quelques outils dans les poches. Après quatre ans de séparation, nous pûmes enfin nous embrasser, parler longuement de la famille. Je ne sais expliquer le trouble qui nous envahissait, mêlé de bonheur autant que de peine et de rancœur. Il s’était privé pour m’apporter de bonnes choses que mon petit groupe et moi avons appréciées. Je lui donnai deux fétiches que j’avais fabriqués, c’était ma spécialité à Abteroda. À 12 h 40, la sirène de reprise de travail me l’arracha. Émile le tira, il se perdit derrière les machines, c’était fini. Il me fit pourtant transmettre en fin d’après-midi une lettre d’adieu. Il m’y disait toute sa joie et le courage qu’il avait repris pour attendre la délivrance. Je sentais son moral meilleur, le mien aussi par contrecoup. Il repartit à dix-huit heures par le train des ouvriers qu’il prit à contre-voie. Cette nuit-là, Eisenach où il attendit sa correspondance, subit deux gros bombardements. Je me fis un mauvais sang du diable, jusqu’au reçu de ses nouvelles qui n’arrivèrent qu’au bout de trois semaines. C’était une chance sur mille que j’avais eue, je n’arrivais pas à y croire, il me semblait vivre un rêve. Une fois de plus,

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