Kommandos de femmes
ou des volontaires, presque pas d’Allemands en dehors du personnel de maîtrise. Mes compatriotes me dirent aussi qu’ils feraient tout leur possible pour m’aider, et ces braves garçons tinrent bien leur promesse.
Notre claustration provisoire durait toujours, et nous étions bien étonnées, arrivées depuis huit ou dix jours, de ne pas avoir encore commencé à travailler. Seules quelques femmes sortaient pour aller chercher des bidons de soupe et de café à la cuisine des « politiques » qui se trouvait dans les bâtiments de S.S.
Vers le dixième ou douzième jour, notre Aufseherin en chef annonça une inspection. Tout devait être impeccable. L’inspection annoncée ne venant pas, la surveillance se relâcha et l’Aufseherin n’était pas là lorsqu’apparurent trois sous-officiers de Buchenwald qu’on n’attendait plus. Naturellement il fallut rester au garde-à-vous pendant toute la visite. Cette visite ne fut qu’un long aboiement.
Nous apprîmes ainsi que nous ne dépendions plus de Ravensbrück, mais de Buchenwald, et c’est à cause des difficultés de transport que, fait sans précédent, nous n’étions pas passées auparavant par le camp. Bien qu’à Abteroda, nous étions censées être au block de Buchenwald (c’était notre adresse). L’Allemand, poussant des cris, disait à l’Aufseherin :
— « Vous allez les faire crever, j’ai des ordres pour qu’elles soient mieux traitées : il faut leur donner des galoches, les faire sortir pendant les alertes et leur monter des poêles. »
L’Aufseherin fut bien obligée de faire installer les poêles, mais elle ne fut pas forcée de mettre du bois dedans.
Dès le lendemain, des déportés russes installèrent cinq poêles dans le dortoir et un dans l’infirmerie, pendant qu’un électricien nantais commençait à monter une installation de chauffage électrique, s’il vous plaît ; elle fut terminée, mais jamais branchée. Ce furent les déportés politiques, hommes russes la plupart, qui apportèrent peu à peu le matériel qui nous manquait : châlits, quelques tables et tabourets. Ces hommes avaient un aspect physique bien déficient ; comme nous, ils dépendaient de Buchenwald.
À la première alerte, au milieu de l’après-midi, ce fut une joie de sortir. On nous emmena dans les bois à quelques centaines de mètres de l’usine. L’air était délicieux et cette promenade nous fit un plaisir extrême, bien qu’en rentrant nous fussions tout essoufflées et sans aucune force. Nous avions pu apercevoir de loin la colonne des déportés politiques hommes, se rendant, leur couverture sur le dos, dans un autre coin du bois, et nous avions pu dire quelques mots aux requis qui s’étaient approchés de nous le plus près possible.
Mon premier contact avec les « gars de chez moi »se fit par l’intermédiaire de l’électricien nantais qui venait installer la lumière. Il avait toujours une sentinelle en faction au pied de son échelle, mais il réussit à passer un petit papier à une camarade qui me le remit. Cette lettre était accompagnée d’un crayon et d’un cahier pour les réponses. Quelques jours après, un ballot me parvint : deux vestons et un pantalon. Nous partageâmes le paquet entre M lle M…, V… et moi. Il ne fallait vraiment pas être dégoûtée pour endosser ce veston criblé de taches et de trous, mais j’avais si froid qu’il me procura un véritable bien-être.
Par la suite m’arriva, par l’intermédiaire de celles des nôtres travaillant à l’usine avec les requis, un choix d’objets des plus précieux : serviette de toilette, chaussettes, chandail, cache-nez, chemise (homme bien entendu), de la mercerie avec même des épingles doubles et des boutons, papier, crayon et, luxe inouï, un flacon de sel. Souvent on m’envoyait des paquets pour les malades. Le requis belges qui, parmi les autres, étaient de beaucoup les plus sympathiques, se mirent aussi en quatre pour nous aider. C’est par eux que l’on avait les nouvelles les plus sûres de la guerre, les autres s’en fichaient éperdument. Ne sachant comment reconnaître tant de gentillesse, je proposais à mes amies de raccommoder leurs vêtements dans mes moments de loisir. Ils m’envoyèrent des chaussettes, des chandails, dans un tel état de délabrement qu’on voyait bien qu’aucune main féminine n’y avait jamais passé l’aiguille. Ma vue fatiguée ne me permettait pas de faire de fines
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