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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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sais, dit Goldenberg. Mais je ne creuserai pas !
    – Si tu ne travailles pas, nous devons le faire à ta place. Nous l’avons fait aujourd’hui, dit Lengyel. Mais il n’est pas possible que tu restes là à ne rien faire les mains dans les poches, et que nous travaillions pour toi !
    – Je ne vous ai pas demandé de le faire ! dit Marcou Goldenberg, méprisant. Si vous voulez le faire, cela vous regarde. Si vous y trouvez du plaisir…
    – Nous n’y trouvons aucun plaisir et tu le sais bien. Mais nous ne pouvons quand même pas mettre l’adjudant au courant de ton attitude et te faire envoyer devant la Cour Martiale menottes aux mains.
    – Dites-lui que je suis un saboteur ! Pourquoi n’allez-vous pas le lui dire tout de suite ?
    – Écoute, Marcou, fit Lengyel, tu es docteur en droit, tu dois comprendre la situation. Nous ne pouvons demander ton arrestation et te voir sortir du camp entre des baïonnettes. Nous ne pouvons pas le faire. Aujourd’hui, à travers toute l’Europe, les fascistes font la chasse aux juifs – comme à des bêtes sauvages. Mais les fascistes sont nos ennemis, Goldenberg. Nous, les juifs, nous ne pouvons pas demander qu’un juif soit mis en prison et envoyé devant une Cour Martiale. Mais nous ne pouvons pas non plus creuser et travailler à ta place. Nous arrivons à peine à creuser chacun notre portion de terrain.
    – À quoi bon tout ce sermon ? Tu espères me prendre par les sentiments ? demanda Marcou sarcastique. Si tu crois pouvoir me convaincre, tu perds ton temps.
    – Je n’aurai pas cette naïveté, dit Lengyel. Tu es un fanatique. Et tout fanatique est une bête enragée dont il ne faut pas trop approcher. Mais tu as un père et une mère. Oh ! je sais bien que tu n’y penses jamais. Mais nous y pensons à ta place. Ils t’attendent à la maison. Tu es juif. Et cela nous ne pouvons pas l’oublier. Tu es notre frère. Le même sang coule dans nos veines. Même si tu l’as oublié, cela est ainsi. Et c’est pourquoi nous cherchons une solution de compromis pour concilier ton fanatisme, les intérêts de notre communauté et notre sentimentalisme que tu tournes en ridicule.
    Les autres prisonniers faisaient cercle autour d’eux et écoutaient.
    – Tu ne veux pas travailler au canal parce qu’il représente un obstacle pour tes camarades de l’armée soviétique, dit Lengyel. Nous ne pouvons te forcer. Mais tu dois faire un autre travail qui n’ait pas de signification politique ou militaire. Est-ce que tu préfères, par exemple, nettoyer les cabinets ? Nous sommes de corvée aux cabinets à tour de rôle. Si tu consens à les nettoyer chaque jour, celui qui devrait être de corvée ce jour-là pourrait creuser le canal à ta place. Mais je te préviens que c’est un travail dur et dégoûtant.
    Le vieux Lengyel était sûr que Goldenberg, une fois obligé de choisir, accepterait plutôt de travailler au canal. Il savait bien que personne ne pouvait résister à une telle corvée plus de deux jours, surtout lorsqu’il s’agit d’un intellectuel.
    – Réfléchis bien, je te donne jusqu’à ce soir pour y penser.
    – Ce n’est pas la peine d’attendre. Ma décision est prise, dit Marcou.
    – Et alors ?
    – Je choisis les cabinets, répondit Goldenberg. C’est une activité constructive. Le travail au canal est criminel, réactionnaire et fasciste. Je préfère être de corvée aux cabinets tous les jours plutôt que de contribuer à élever des obstacles contre mes camarades de l’armée rouge.
    Le vieux Lengyel devint blême. Son plan avait échoué.
    – Tu ferais mieux de réfléchir encore avant de prendre une telle décision, dit le vieux.
    – Absolument pas, dit Goldenberg, et il lui tourna le dos.
    Aucun des prisonniers n’eut le courage de s’approcher de Marcou et de lui parler. Seul Iohann Moritz osa le faire.
    – Tu es fou, Marcou ! dit Moritz. Comment peux-tu préférer être de corvée de chiottes tous les jours ? C’est pire qu’au bagne.
    – Fous-moi le camp, cria Goldenberg. Je sais tout seul ce que j’ai à faire !
    – On ne le dirait pas, répliqua Moritz.
    À ce moment, il se rendit compte que le regard de Marcou Goldenberg ressemblait exactement à celui de Iorgu Iordan.
    Iohann Moritz s’éloigna de lui.
     
     
     
40
     
     
     
    Le lendemain le vieux Lengyel eut des remords. Il avait conscience de s’y être mal pris. Lui-même était un vieillard trop sensible. Le soir même il

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