La 25ème Heure
après-demain et tous les jours jusqu’à la fin de ma vie. Chaque jour. Et à l’enquête et à la torture. Mais pas aujourd’hui…
– Aujourd’hui nous te relâchons, dit le gendarme.
Iohann Moritz ne voulut pas le croire. Il n’arrivait plus à y croire. Et pourtant ce jour-là il fut relâché.
Mais ils ne le laissèrent pas libre. Il était citoyen Roumain. Il fut envoyé dans un camp de travail.
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Avant de sortir de prison, Iohann Moritz reçut une lettre de Iulisca. C’est le gardien du bureau de l’inspecteur Varga qui la lui apporta. Il entra dans la cellule juste au moment où Moritz partait. Moritz l’ouvrit et vit l’écriture de Iulisca.
" Cher Ianos. Depuis quatre jours je ne suis plus au service de M. Nagy. Et je t’écris pour que tu le saches et que tu ne viennes pas me chercher rue Petöfi, quand on te relâchera. Je pars à la campagne chez ma mère, dans la commune de Balaton, du district : de Tisa où je t’attends avec amour. Tu peux venir dès que tu sortiras de prison. – Iulisca. "
En bas dans le coin de droite elle avait encore écrit : " J’ai été hier chercher mes affaires chez M. Nagy. M. Nagy et sa dame te prient de ne pas être fâché contre eux parce qu’ils ont déclaré à la police qu’ils ne te connaissaient pas. En ville des juifs viennent d’être arrêtés. Ils ont eu peur de dire qu’ils avaient reçu chez eux des étrangers. Ils t’envoient leurs compliments. M. Isaac m’a donné pour toi un costume presque neuf. Tu le trouveras chez moi en venant. Il est très brave et M me Rosa de même. Ils ont eu peur d’être arrêtés et c’est pourquoi ils ont dit qu’ils ne te connaissaient pas. Les temps sont durs. La peur vous ferait tuer père et mère. Je t’embrasse. – Iulisca. "
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Les membres du gouvernement hongrois se trouvaient depuis trois heures déjà en conseil secret au Palais de la Régence.
La conférence venait de prendre fin. Cependant, le ministre des Affaires étrangères, debout, prit de nouveau la parole :
– Le problème des cinquante mille ouvriers n’est pas résolu, dit-il. Et c’est le plus important.
– La question a été réglée, dit le chef du gouvernement. Sa voix était dure.
« La décision vient d’être acceptée à l’unanimité.
Les ministres se tenaient prêts à partir, serviettes à la main. Le ministre des Affaires étrangères faisait semblant de ne pas le remarquer. Il continua :
– Il nous faut trouver quelque chose à donner, dit-il. L’équilibre de nos relations avec le III e Reich doit être maintenu. Ce ne sont pas des rapports d’égalité et nous devons le reconnaître, quoi qu’il nous en coûte. La situation de la Hongrie à l’égard de l’Allemagne est la situation d’un subalterne et non d’un allié. Mais cette situation ne peut être changée que contre celle de pays occupé militairement, ce qui serait pire. Au départ, on nous avait demandé de fournir trois cent mille ouvriers. Le chiffre a été réduit à cinquante mille hommes. Mais ceux-là au moins nous devons les donner.
– Mon gouvernement ne cédera pas aux Allemands un seul citoyen hongrois comme esclave, dit le président du Conseil rouge de colère. L’affaire est donc liquidée.
– L’Allemagne y tient beaucoup, répliqua le ministre des Affaires étrangères. Cette demande nous a été adressée comme un ultimatum. Leur industrie a besoin de main-d’œuvre. Si nous ne leur cédons au moins cinquante mille hommes, ce refus peut nous être fatal. Je suis informé qu’au cas où cette demande ne serait pas satisfaite, l’occupation militaire de la Hongrie serait considérée comme imminente. Il est de mon devoir de vous en avertir. Vous assumez toute la responsabilité d’un refus.
– Ne pourrait-on pas trouver un compromis ? suggéra un ministre.
– Si nous envoyons un seul Hongrois comme esclave en Allemagne la situation est tout aussi grave et l’histoire ne nous pardonnera jamais un pareil geste, dit le président du Conseil. En conséquence notre réponse ne peut être qu’un refus catégorique. En cette matière il n’y a pas de compromis possible !
– Et si nous envoyions en Allemagne cinquante mille travailleurs et que ces cinquante mille travailleurs ne soient pas citoyens hongrois, dit le ministre de l’Intérieur. Nous avons dans les camps de concentration plus de trois cent mille étrangers. Pourquoi ne
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