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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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votre ennemi. Moi je croyais être votre ami.
    – Tu es l’ami des Allemands et tu luttes pour eux, dit Joseph. Tu es soldat d’Hitler. Tu ne dois pas l’oublier.
    – Quand j’ai une bouteille de bière, est-ce avec les Allemands ou avec vous que je la bois ? Est-ce à la caserne que je la bois ou avec vous, ici sous le pont ? demanda Moritz furieux. Réponds-moi, Joseph ? avec qui est-ce que je fume le tabac que j’ai ? Avec qui est-ce que je reste à causer pour dire tout ce que j’ai sur le cœur, avec eux, ou avec vous ? Je ne dis jamais rien aux Allemands à la caserne. C’est seulement à vous que je le dis, parce que je suis votre ami. Mais vous, vous prétendez que je suis votre ennemi. Tu viens de me dire que j’étais l’ami des Allemands. Tu m’as jamais vu restant à causer avec eux comme avec des amis ? Moi, j’ai été ami avec vous, et seulement avec vous !
    Les mains de Moritz tremblaient en portant la cigarette à sa bouche.
    – Tu disais que les Alliés allaient me mettre en prison pour vingt ans. Et peut-être que ce seront les Français, eux-mêmes, qui m’enfermeront, n’est-ce pas ?
    – Oui, dit Joseph. Si l’armée française vient ici, ils te mettront en prison.
    – Eh bien, s’il en est ainsi, c’est que toute justice a disparu de sur la terre. Et alors, même s’ils me fusillent, je ne le regretterai pas. Pourquoi vivre encore, s’il n’y a plus de justice, si toi et les autres vous prétendez que j’ai été et que je suis votre ennemi. À partir de demain,) je ne viens plus avec vous au pont. Si vous voulez vous évader, cela vous regarde. Je ne m’en mêle pas. Je ne vous arrêterai pas. Si je peux vous donner un coup de main, sans risquer ma peau, je le ferai volontiers. C’est une bonne action que d’aider un prisonnier qui veut s’enfuir et je le ferai. Mais je ne m’évaderai pas avec vous et je ne veux pas aller au bagne pour le restant de ma vie à cause de vous.
    – Le problème ne se pose pas de cette manière, dit Joseph. Nous voulons te sauver aussi. C’est cela l’amitié. Nous voulons t’emmener avec nous en France.
    – J’ai ma femme et mon enfant ici, dit Moritz. Je ne peux pas venir avec vous.
    – Dans quelques mois, les Alliés seront là. Alors nous ferons venir ta femme et ton enfant en France. J’ai une ferme dans la banlieue de Paris. Tu resteras à la ferme. Tu es laboureur. Tu en prendras soin et tu gagneras de l’argent. Ensuite tu achèteras de la terre et une maison. La France est belle. Les hommes y sont bons. Que veux-tu faire en Allemagne après la fin de la guerre ? Nous nous évaderons ensemble.
    – Moi, je ne m’évade pas, dit Moritz.
    – Nous laisserons de l’argent à ta femme pour qu’elle ait de quoi vivre jusqu’à ce que nous revenions la prendre avec nous en France, dit Joseph. Nous avons mis une somme de côté pour elle, cinq mille marks. Dans quelques mois, nous serons de retour et nous pourrons l’emmener. La France te sera reconnaissante si tu sauves cinq prisonniers français. Que réponds-tu à tout cela ?
    Iohann Moritz ne répondit rien. Tout le temps il ne fit que penser à la ferme qu’il aurait en France. Il essayait de s’imaginer la terre qu’il allait acheter là-bas, la maison qu’il allait bâtir et la vie qu’il allait mener avec Hilda et Franz. " J’aurai d’autres enfants encore, se dit-il. Je voudrais avoir une petite fille et l’appeler Aristitza comme ma mère. " Moritz se surprit à sourire à son avenir. Puis il s’assombrit et dit :
    – Moi, je ne veux pas m’évader.
     
     
     
91
     
     
     
    Hilda accueillit Iohann Moritz au seuil de la porte. Elle était habillée pour sortir. Elle voulait aller au cinéma.
    Moritz ne savait plus quel film il avait vu. Ses pensées étaient ailleurs. Il se rappelait seulement les actualités U. F. A. où il avait vu les derniers combats du front : des tanks brisés, des maisons brûlées, des hommes morts. On avait aussi montré la carte. Le front s’était rapproché des frontières du Reich.
    En sortant du cinéma, Moritz n’avait pas envie de parler. Avant d’aller se coucher, il regarda le bébé dans son berceau. Puis il se mit au ht. Il ne pouvait pas s’endormir.
    – Hilda, si l’Allemagne est vaincue, qu’allons-nous devenir ? demanda-t-il.
    – L’Allemagne ne sera jamais vaincue ! répondit Hilda.
    Moritz pensa aux combats qui étaient menés sur tous les fronts et qu’il avait vus au

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