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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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croire. Elle ne retourna pas dans sa chambre. Elle se dirigea avec Suzanna vers la mairie. Elle n’avait sur elle que la robe avec laquelle elle avait dormi. La nuit était claire. Les deux femmes marchaient au milieu de la route, sans parler. Suzanna pleurait doucement. De temps en temps, elle essuyait ses yeux avec un pan de sa robe. Aristitza était furieuse. Elle respirait péniblement. À plusieurs reprises elle se tourna vers sa bru et lui cria :
    – Tu dors en marchant ? Qu’est-ce qui coule dans tes veines ? Du sang ou du petit lait ?
    Suzanna pressait le pas en pensant qu’elle se hâtait en vain. Le prêtre était mort. Personne ne pouvait plus rien pour lui.
    À la mairie, les lampes étaient allumées, mais il n’y avait personne.
    – Allons à l’étable ! dit Aristitza. Je suis juge et j’ai le droit de demander et de savoir tout ce qui s’est passé.
    Dans l’étable, il faisait noir. La porte était fermée » mais le verrou n’était pas tiré. En y entrant, Aristitza ! Fut saisie de peur.
    – Tu n’as pas d’allumettes ? demanda-t-elle à Suzanna.
    – Non, mère.
    – Tu n’as jamais rien, dit Aristitza en colère. Même quand tu t’es mariée, tu n’avais rien. Il fallait que tu trouves un benêt comme mon fils pour te prendre comme tu étais.
    Suzanna ne se fâcha pas. Elle savait que la colère d’Aristitza ne lui était pas adressée. Aristitza avait peur que ! a mort du prêtre ne soit confirmée et c’est pourquoi elle la grondait.
    – Y a-t-il quelqu’un ici ? cria Aristitza. Elle demeurait plantée au milieu de l’étable.
    – Il n’y a personne, mère, dit Suzanna. Marcou a emmené tous ceux qui se trouvaient dans l’étable et les a fusillés dehors près de la fosse à purin.
    –  Tu rêves, non ? dit Aristitza. Comment pouvait-il les fusiller sans nous avertir, nous les juges ?
    Suzanna se tut. Les deux femmes sortirent dans la cour et cherchèrent du regard, dans le noir, les corps d es fusillés.
    –  Il n’y a rien dans la cour, dit Aristitza. Je l’ai bien dit que tu rêvais. Peut-être les a-t-on enfermés autre part et les réactionnaires du village n’ont attendu que ça pour répandre le bruit que Marcou les a fusillés.
    Suzanna s’éloigna d’Aristitza et se mit à chercher avec attention dans la cour, tout autour de la fosse à purin. Elle était certaine que le prêtre avait été fusillé. Les paysans qui avaient vu la scène, racontaient à travers le village que Marcou Goldenberg avait fait sortir, un à un, tous ceux qui se trouvaient dans l’étable, que les prisonniers avaient les mains liées et qu’il leur avait tiré dans le dos.
    – Allons chercher Goldenberg, dit Aristitza.
    Suzanna poussa un cri et s’écroula dans l’herbe. Aristitza vint vers elle en fureur.
    –  Qu’y a-t-il encore, espèce de bonne à rien ? cria Aristitza. Tu as aperçu ton ombre et tu as buté dessus ? Mais les paroles restèrent dans sa gorge. Près de S usan na, au bord de la fosse à purin, des corps s’allongeaient dans l’herbe.
    Aristitza vit tout d’abord le cadavre d’un homme à chemise blanche qui se trouvait aux pieds de Suzanna. Un autre, tout noir, était étendu à quelques pas de là. Et puis d’autres, et d’autres encore. Aristitza se signa pour se donner du courage.
    – Lève-toi, j’ai besoin de toi, ordonna-t-elle. Elle n’avait pas peur des morts, mais en ce moment, elle ne Voulait pas se trouver seule.
    Suzanna se leva. Elle tremblait. Aristitza la prit par la main. Les deux femmes cherchaient les morts, en se penchant tour à tour sur chacun d’eux. Elles regardaient attentivement chaque visage pour le reconnaître. Il y en avait neuf sur les bords de la fosse à purin et trois à l’intérieur.
    Aristitza examinait avec soin un des cadavres.
    – C’est Nicolae Ciubotaru, l’ancien maire, dit-elle.
    Elle s’agenouilla et colla son oreille sur la poitrine de Ciubotaru pour voir si son cœur battait encore. Elle se releva et dit :
    –  Mort !
    Et elle passa plus loin, et se pencha de nouveau. Elle mit son oreille contre la poitrine d’un autre cadavre.
    – Le corps est encore chaud, mais le cœur est mort. Celui-là, c’est Constantin Solomon, Dieu ait son âme, dit Aristitza. Il m’a demandée en mariage quand j’étais jeune.
    Et pour que la douleur ne l’envahisse pas, elle cria en colère à Suzanna :
    – Regarde voir, toi aussi, s’il y en a encore de vivants. Pourquoi

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