La Bataillon de la Croix-Rousse
et les brèches réparées à coups de leviers et de pioches.
Une ouverture, ils ne voulaient qu’une ouverture pour passer.
Bientôt un pan de muraille s’écroula.
Les muscadins poussèrent un cri de joie.
En masse, ils s’élancèrent pour passer.
Mais Saint-Giles avait fait élever, avec ses nouveaux morts, des sacs à terre et des gabions non encore employés, des pierres et des débris, une barricade en arrière de ce point faible qu’attaquait l’ennemi.
Les muscadins furent reçus à coups de grenades dans la coupure qu’ils venaient de faire.
Fous de bravoure, ils se mirent à arracher les gabions et les sacs à terre de la barricade.
Déjà Saint-Giles s’attendait à voir cet obstacle renversé, tant les muscadins travaillaient avec frénésie.
Il avait massé ses types derrière lui et s’apprêtait à recevoir les assaillants.
Mais une charge étrange, une charge à l’antique, changea tout à coup la face du combat.
Tout à coup, les Lyonnais entendirent un bruit de chariots sortant de l’enclos de la maison Panthod, tournant la redoute et se lançant bride abattue au milieu d’eux, comme autrefois les chars de guerre des Gaulois au milieu des légions.
Coupée par tronçons, foulée aux pieds, renversée par les chars, la colonne lyonnaise que cette étrange attaque déconcertait, se replia en déroute, poursuivie par les chariots.
Personne ne guidait les attelages…
On leur avait imprimé une direction et on les avait abandonnés à eux-mêmes.
Quelques-uns vinrent se briser contre le cimetière de Cuire : d’autres s’abattirent contre les obstacles.
Trois d’entre eux ne furent arrêtés que par le mur même de la Croix-Rousse dans les fossés duquel ils versèrent.
Cette charge décisive, on la devait à l’initiative du petit capitaine qui s’était engagé à conduire les chars.
Ceux-ci étant vidés par les travailleurs de Saint-Giles, le capitaine avait ordonné aux conducteurs de faire flamber des morceaux d’amadou et il était allé ranger son convoi hors de la redoute, au plus fort de l’attaque, de façon à pouvoir le lancer obliquement sur la colonne ennemie, manœuvre favorisée par la cessation du feu des batteries lyonnaises qui ne pouvaient plus tirer, les deux partis étant aux prises.
Au moment le plus critique, chaque conducteur avait mis un morceau d’amadou enflammé dans l’oreille de chaque cheval, et, à grands coups de fouet, les attelages avaient été lancés.
Ils étaient partis, faisant feu des quatre pieds, hennissant, lançant par les naseaux une haleine chaude et sifflante, et ils étaient arrivés sur l’ennemi, semblables à des animaux fantastiques, les chars dansant derrière eux une sarabande infernale.
De là, terreur et panique.
Le Bulletin n° 17, du 24 août, porte la trace de l’effroi causé par cette affaire.
On y trouve la phrase suivante :
« À la Croix-Rousse, toute la nuit, on s’est battu avec acharnement.
« Un feu roulant et continuel a porté dans tous les rangs la consternation. On ignore encore le nombre des victimes. »
L’auteur du bulletin reste, on le voit, dans le vague et n’entre dans aucun détail.
Un peu plus bas, il dit même pour rassurer le public :
« Le feu a pris quarante-deux fois à l’hôpital, et quarante-deux fois il a été éteint.
« Pendant cette nuit, au combat de la Croix-Rousse, on a pris à l’ennemi deux pièces de 4 et tué beaucoup de monde. »
Mais cette allusion à la lutte a trait à la maison Nérat et non à la maison Panthod ; les Lyonnais ne prirent même pas de canons à la maison Nérat attaquée simultanément mais ils en reprirent deux que les républicains n’avaient pu emporter après les avoir enlevés à l’ennemi.
Quant à la perte définitive de la maison Panthod, pas un mot.
Voilà la bonne foi de Roubiès, rédacteur du bulletin.
La maison Nérat avait été emportée par le bataillon de l’Isère avec beaucoup d’entrain.
Les républicains y avaient encloué et culbuté les canons ; puis, comme y tenir cette nuit-là n’entrait pas dans le plan des opérations, le bataillon de l’Isère se replia sur ses postes avancés, ne tentant point d’emporter les canons conquis faute de chevaux.
Ce sont ces pièces qui retombèrent avec la maison Nérat, au pouvoir des Lyonnais.
Quoique la maison Nérat restât à l’ennemi, la prise définitive de la maison Panthod était un résultat considérable et inespéré
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