La Bataillon de la Croix-Rousse
Saint-Giles.
Mais, le jour même, le commandant Leconte, du bataillon de l’Isère, placé aux avant-postes devant la maison Nérat, voyait se présenter un petit volontaire qui demandait à s’engager comme fusilier.
Il présentait au commandant une lettre ainsi conçue :
« Je recommande mon neveu, orphelin, au citoyen commandant Leconte : je suis une pauvre veuve et je ne puis le nourrir. De bonnes âmes l’ont habillé et lui ont mis quelques sous en poche. Il mangera dans notre bataillon de l’Isère le pain de la République et le gagnera car il a du cœur. C’est un très bon sujet.
« Je remercie d’avance le commandant Leconte.
« Veuve Adèle Benoist. »
La lettre était datée de Grenoble.
Le commandant toisa ce petit bonhomme, l’interrogea, fut enchanté de ses réponses et l’enrôla comme… fusilier.
Vous comprenez que, du moment où l’on cherchait un tambour, on ne trouva pas Ernest Saint-Giles, fusilier dans le bataillon de l’Isère sous le nom Léon Benoist…
Le « sacré gone » avait écrit la lettre de la prétendue veuve.
Un faux, quoi…
Saint-Giles n’eut donc aucune nouvelle de son frère.
Il fut forcé de se battre avec cette double douleur : le deuil de sa mère et la disparition de son frère.
Nul doute que celui-ci s’entêtât dans son projet ; Saint-Giles connaissait la nouvelle, il s’attendait à le retrouver tout obscurément dans une des rudes affaires qui se livraient sous la Croix-Rousse.
Puis, il pensait à sa fiancée, et l’idée qu’elle aussi avait disparu lui rongeait le cœur.
Mais Dubois-Crancé lui fit tenir un mot qui lui donna quelque peu d’espérance de ce côté.
Le billet disait :
« Mon cher commandant,
« Bon espoir,
« Notre émissaire de Toulon m’apprend qu’elle est sur la trace de celle que vous appelez sœur Adrienne. »
Saint-Giles, entre ses chagrins et cette lueur d’espérance, se rejeta curieusement dans ce qu’il appelait son travail de taupe.
Il s’ingénia à rendre la maison Panthod imprenable et à faciliter la prise de la maison Nérat.
La prise de la maison Nérat
Entre la maison Panthod et la maison Nérat, le duel d’artillerie continua avec acharnement jusqu’au 14 septembre.
Ce fut une lutte qui arracha aux deux armées des cris d’admiration.
Les redoutes des assiégés soutenaient le feu de la maison Nérat ; par leur feu, les batteries des assiégeants appuyaient le feu de la maison Panthod.
Toute l’attention des combattants était portée sur ces deux bicoques.
Le 14 septembre au soir, Dubois-Crancé, voulant en finir avec cette redoute Nérat qu’il appelait le petit volcan, lança un ordre d’attaque contre cette redoute pour le bataillon de l’Isère.
Il vint lui-même surveiller l’opération avec le général Coustard.
Il était neuf heures du soir, lorsque Dubois-Crancé arriva aux avant-postes.
Le bataillon de l’Isère qui se posait en rival de celui de la Croix-Rousse, attendait en bataille le moment de charger.
Dubois-Crancé passa les braves volontaires en revue et leur adressa une allocution laconique.
« Le bataillon de la Croix-Rousse, dit-il, a pris la redoute Panthod et il est dedans.
« Entrez dans la maison Nérat et restez-y, pour que je vous mette en permanence à l’ordre du jour. »
Pendant que les volontaires répondaient par les cris de : Vive la République, un fusilier sortit des rangs.
« Il était haut comme ma botte, dit Coustard au général Doppet en lui racontant l’affaire. »
– Que veux-tu ? demanda Dubois-Crancé à ce tout petit soldat.
– Un tambour ! dit le gamin.
– Pour quoi faire ?
– Pour prendre la redoute !
Quand le bataillon entrera dedans, il n’y trouvera personne.
– Et c’est toi qui te charges de la faire évacuer ?
– Oui, citoyen. Qu’on me donne la caisse que je réclame, plus les tambours du bataillon, plus dix hommes, pas davantage, et je vous réponds que l’ennemi décampera.
Dubois-Crancé et Coustard se regardaient, mais le commandant du bataillon s’avança.
Dubois-Crancé comprit que Lecomte était dans le secret du petit soldat.
Il fit signe au général et au commandant de le suivre.
Tous trois tinrent conseil à l’écart.
Le petit soldat attendait, objet de la curiosité générale.
En revenant vers lui, Dubois-Crancé lui dit :
– Et tu es sûr de réussir à conduire ton monde où tu dis ?
– Oui,
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