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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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porte-drapeau, la protestation vivante et aimée   ; ces Jacobins voudront vous enlever, vous emprisonner à cause de votre père et surtout à cause de votre mère, qui, il faut en convenir, a joué un tour bien cruel à Sautemouche. M me  Leroyer sourit en comprimant une larme, car elle sentait quels dangers Étienne allait courir.
    Mais l’abbé reprit affectueusement   :
    – Lorsque vous serez un peu las de la lutte et pris de découragement, mon cher Étienne, songez à la récompense. Je m’engage et nous nous engageons tous ici à faire donner à votre père la baronnie de Saint-Chamoux et le nom d’Étioles.
    Étienne remercia vivement l’abbé   : son père, M. Leroyer, s’inclina seulement. Ce fut tout ce qu’il put faire   ; car il n’avait plus que la force de conserver un maintien raide et impassible   ; encore l’habitude y était-elle pour beaucoup. En lui-même, il maudissait l’ambition de sa femme et il envoyait l’abbé à tous les diables.
    Celui-ci demanda à la baronne   :
    – Avez-vous besoin, madame, de quelqu’un de nous   ?
    – Merci, dit la jeune femme, je parlerai seulement à M. Étienne d’un léger service à me rendre tout à l’heure, quand tout le monde sera parti.
    – À vos ordres, madame, dit le lieutenant rouge de plaisir.
    Déjà tous les invités prenaient congé pendant que M me  Leroyer donnait des ordres à Jean pour les préparatifs du départ. M. Leroyer voulut se mêler de faire des recommandations.
    – Emportez-ceci, prenez cela   ! disait-il.
    – Non   ! non   ! Jean   ! dit M me  Leroyer, rien que le strict nécessaire pour changer de linge en route. À Genève, nous achèterons tout ce qui nous sera nécessaire.
    – Acheter   ! Toujours acheter   ! s’écria M. Leroyer, qui souffrait beaucoup de ce qu’il appelait les prodigalités de sa femme.
    Elle le laissa se lamenter et sortit. Il se rabattit sur l’abbé qui causait avec Étienne.
    – Ah   ! monsieur l’abbé, disait-il, dans quelle situation je me trouve abandonner mon numéraire ici…
    – Ah   ! vous avez du numéraire chez vous   ? demanda l’abbé.
    – Dans le caveau, oui.
    – Alors, restez.
    – Mais, si je reste, on m’emprisonne.
    – Alors, partez   !
    – Mais, si je pars, on me volera.
    – Restez.
    Empoigné par ce dilemme, étranglé entre deux alternatives aussi désagréables, M. Leroyer poussait de sourds gémissements. Mais Étienne vint à son secours et dit à l’abbé   :
    – J’ai une idée qui peut tout concilier et rassurer mon père.
    – Ah   ! tu es bon fils, Étienne, s’écria M. Leroyer   ; je ne t’ai pas toujours rendu justice   ; il est vrai que tu me dépensais trop d’argent   ; mais si tu me tires d’embarras, je te pardonne les folles dépenses que tu as faites avec tes muscadins d’amis.
    – Eh bien   ! voilà   ! dit Étienne, enchanté de son triomphe sur son père. Je propose d’établir à demeure ma compagnie ici.
    – Dans la maison   ? demanda l’abbé.
    – Oui   ! car dans un poste sombre et triste, on s’ennuierait et on se lasserait   ! Ici, la compagnie sera très bien et s’amusera   ; elle ne voudra pas en déloger.
    – Oh   ! fit l’abbé, c’est merveilleux   ! Combien la jeunesse a parfois des idées saines et intelligentes. Vous avez raison, Étienne.
    – Mais, on va tout abîmer chez moi   ! s’écria l’avare.
    – La belle affaire   ! fit l’abbé. Préférez-vous être volé   ?
    – Au moins, Étienne, mettez tout sous clefs et les clefs en poche.
    – Oh   ! soyez tranquille.
    – Faites retourner le tapis.
    – Dormez en paix. J’aurai soin de tout.
    – Faites bien attention au petit caveau où est mon numéraire.
    – J’y veillerai comme à la prunelle de mes yeux.
    – Mais, monsieur, dit tout à coup l’abbé, il me semblait, au sujet de votre numéraire, vous avoir donné un bon conseil. Je vous avais engagé à transformer ce numéraire en fonds étrangers.
    – Je l’ai fait, dit M. Leroyer   ; malheureusement, il me reste plus de quarante mille livres que je n’ai pu placer sur Londres ou sur Hambourg. J’ai trop tardé. J’attendais un cours avantageux.
    – Ah   ! quarante mille livres   ! vous avez quarante mille livres en or   ! et vous avez prétendu, il y a quinze jours, que vous n’aviez pas d’espèces sonnantes à prêter à votre banquier   ! Très bien, monsieur   ! Je vous connais maintenant

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