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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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grandes banderoles aux couleurs variées. Fanions, drapeaux et oriflammes en tous genres dominaient cependant ces ornements.
    —    Nous n'avons pas mis beaucoup de décorations dans la vitrine, observa Thalie, le menton posé sur ses bras croisés, penchée sur le rebord de la fenêtre de sa chambre.
    En disant cela, elle observait les devantures de la rue Buade.
    —    Pourtant, nous n'arrêtons pas de poser et d'enlever des drapeaux.
    Mathieu exagérait beaucoup. Dans les vitrines de chez
    ALFRED, les emblèmes du Vatican et de Carillon procuraient un fond de scène peu esthétique aux deux mannequins vêtus de robes légères, tout à fait adaptées à la belle saison. Le propriétaire des lieux, pour faire bonne mesure et exprimer au moins un peu ses convictions, avait ajouté quelques drapeaux tricolores. Dans deux semaines, l'étendard pontifical céderait sa place à Y Union Jack du Royaume-Uni et à quelques bannières étoilées.
    Sous leurs yeux, une nouvelle fanfare formait les rangs, suscitant des applaudissements enthousiastes et des éclats de rire : les Canadiens français de Lewinston, dans le Maine, avaient dépêché un ensemble «lilliputien». Les nains qui le composaient portaient des tambours, qui paraissaient démeurés car ils passaient bien près de racler les pavés, et des instruments à vent. Sur leurs courtes jambes, ils semblaient se dandiner comme de vilains canards. Des uniformes d'un vert criard galonnés d'or ajoutaient encore au ridicule.
    —    Ce n'est pas bien, de se moquer ainsi des infirmes, décréta Thalie. J'en ai assez. Tu viens ?
    Dans le salon, l'horloge venait de sonner midi. Gertrude avait préparé son habituel plateau de sandwiches. Au moment d'entrer dans la cuisine, Mathieu proposa :
    —    Je vais le descendre, si tu veux.
    —    Tu crois pouvoir ? demanda la domestique. Avec la théière, c'est quand même un peu lourd.
    —Je vais y arriver. Thalie est là pour m'ouvrir la porte.
    Un moment plus tard, les enfants s'engagèrent dans l'escalier. Le garçon descendit un peu comme un crabe, de côté, penchant la tête pour voir où il mettait les pieds. Au rez-de-chaussée, il trouva son père debout devant la fenêtre, flanqué de ses deux employées. L'une d'elle vint le débarrasser du plateau et se dirigea vers la petite pièce, à l'arrière.
    —    Il y a eu des clients ce matin ? questionna Mathieu.
    —    Quelques-uns, répondit Alfred en se retournant. Avec tous ces gens qui se rassemblent sous nos fenêtres, nous aurions mieux fait de fermer. Si des clientes désiraient venir, elles ont certainement été découragées par toute cette foule à traverser.
    —    Nous allons rester devant, va manger, papa, proposa Thalie. Très bientôt, la parade va se terminer.
    —    Je vais rester avec vous, protesta le commerçant.
    L'une des vendeuses se tenait devant la caisse enregistreuse, hésitante. La petite fille insista :
    —    Nous pouvons nous débrouiller, Mathieu sait se servir de la caisse. Comme cela, nous pourrons partir à une heure, comme prévu.
    —    ... Tu as raison. Avec vous deux, la boutique est entre de bonnes mains. Mais si vous avez besoin d'aide, venez me chercher.
    Le commerçant entendait fermer les portes à une heure. D'habitude, quand le dîner précédait un congé, l'atmosphère était à la fête. Ce jour-là, l'absence de Marie, que le patron n'avait pas su expliquer autrement qu'en disant: «Elle a à faire ailleurs» d'une voix maussade, rendait les employées moroses. Il aurait mieux valu abandonner la tradition du repas en commun et fermer un peu plus tôt que prévu, pour cette fois.
    Après une bonne heure de route, James McDougall passa devant le manoir Haldimand, devenu l'hôtel Kent depuis quelques années. Cet édifice avait abrité les amours illicites du duc de Kent et de Strathearn, le père de la reine Victoria, avec Thérèse-Bernardine Mongenet, dite Julie de Saint-Laurent, à la fin du XVIII e siècle. La voiture poursuivit son chemin sur une petite distance vers le nord, le long de la rivière Montmorency.
    A la fin, James décida de s'arrêter près d'un bouquet d'arbres. Il sauta sur le sol, attacha le cheval à un arbuste, puis vint aider sa compagne à descendre de voiture. Elle saisit la main tendue, troussa sa jupe afin de poser le pied sur le marchepied d'abord, puis dans l'herbe.
    —    Si quelqu'un vole ce coupé, nota le jeune homme en prenant le panier de

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