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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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donnant dans la rue DesFossés. Dans un coin de la cour, des écuries abritaient une demi-douzaine de chevaux. Le jeune homme plaidait depuis au moins un an auprès de son père pour leur remplacement par de petits camions Ford. Imperturbable, celui-ci répondait toujours: «Le jour où tu pourras me démontrer que ces machines sont plus fiables et coûtent moins cher qu'un canasson et une voiture, ce sera avec plaisir. »
    —    Melançon, commença le gros homme en arrivant au quai d'embarquement des marchandises, tu changes de partenaire pour le reste de la journée.
    L'autre, un employé dans la jeune trentaine, regarda un moment, incrédule, l'adolescent enlever sa veste et sa cravate pour les accrocher à un clou au mur, puis murmura :
    —    C'est sérieux?
    —    Il semble que oui.
    —    Ces meubles doivent être livrés à un troisième étage.
    Edouard s'approcha pour le regarder dans les yeux, avant de
    déclarer, moqueur :
    —    As-tu peur de ne pas y arriver? Ne crains rien, je t'aiderai.
    L'homme secoua la tête, écarta les bras de son corps pour signifier son impuissance, regagna le siège de la voiture, puis détacha les rênes pendant que le garçon le rejoignait. Un moment plus tard, le cheval s'engageait dans la rue DesFossés, pour se diriger vers le boulevard Langelier. Comme le lit et les deux petites commodes attachés sur la plate-forme de la voiture devaient aller dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, la côte à l'extrémité sud de cette artère en valait une autre. La géographie accidentée de la ville présentait toujours le même défi lors du déplacement de produits pondéreux.
    —    Tu ne me demandes pas si j'ai mal à la tête ? questionna Edouard au moment de tourner à l'intersection.
    —    Non. Pourquoi le devrais-je?
    —    C'est l'une de tes pierres qui m'a atteint?
    —    Non, je ne pense pas.
    Quand la voiture s'engagea dans la pente abrupte, le garçon sauta au sol pour aller pousser à l'arrière. L'initiative ne faisait sans doute pas une bien grande différence pour le cheval, mais cela lui semblait la chose à faire. Au moment où il remontait dans la voiture, Melançon demanda :
    —    Tu as l'intention de me dénoncer à ton père, pour me faire renvoyer ?
    —J'ai passé l'âge d'aller pleurer chez mon père. C'est un souvenir entre nous. Un jour, je serai le patron...
    La phrase demeura en suspens, suffisamment menaçante pour mettre l'employé mal à l'aise. A la fin, il continua :
    —Je te jetterai à la rue si tu fais l'idiot. Ou je te nommerai contremaître quand tes rhumatismes rendront les livraisons trop difficiles. Nous verrons alors.
    Quelques minutes plus tard, tous les deux s'esquintaient les reins dans des escaliers étroits, afin de meubler de neuf la chambre à coucher d'un couple de jeunes mariés enthousiastes. Quand Melançon claqua la langue pour signaler au cheval le moment de rentrer à l'écurie, il revint sur le sujet:
    —    Cela n'avait rien de personnel.
    —Je l'espère bien. Après tout, ce n'est que de la politique... Où vas-tu manger, à midi?
    Pour la réputation du garçon, cette journée ferait plus que tous les apprentissages du cours classique.
    À seize heures, Édouard se dirigea vers les bureaux administratifs, le corps couvert de sueur, sa chemise détrempée déboutonnée jusqu'au milieu de la poitrine. Sa cravate se trouvait au fond de sa poche et il portait sa veste négligemment
    jetée sur son épaule gauche.
    —    Tu as passé une bonne journée ? questionna le patron assis derrière son lourd bureau.
    —Je crois, oui, répondit-il en prenant place sur la chaise réservée aux visiteurs.
    —    Tu peux dire excellente. Tu commences à comprendre le métier qui t'attend.
    Le jeune homme rougit de plaisir, avant de demander:
    —    Tu es au courant de tout ?
    —    Même du nom de la taverne où tu as mangé, et le nombre de bières consommées. En plus du respect des employés, c'est l'autre secret du succès: tout savoir de la vie de l'entreprise. Mais cela ne pose pas beaucoup de difficultés. Sur la centaine de personnes qui travaillent dans le magasin, plus la soixantaine dans les ateliers, il y a toujours quelqu'un qui tient à venir me raconter tout ce qui se passe.
    —    Avec l'espoir de bien se faire voir du patron ?
    Thomas acquiesça. Cela dépassait même les cadres du commerce: dans la paroisse Saint-Roch, et même dans toute la ville de

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