Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
tête dans l'embrasure de la porte du grand salon et constata à haute voix :
    —    Tes invités sont partis.
    —    Depuis quelques minutes. Il commençait à se faire tard.
    —    Bonne nuit.
    Comme son père n'était pas là pour exiger de sa fille les formes les plus élémentaires de politesse, surtout après la scène du souper, la belle-mère n'attendait aucune réponse. Elle allait refermer la porte quand, à sa grande surprise, Eugénie commença :
    —    Elisabeth...
    —    Oui, répondit-elle en lui accordant toute son attention.
    —    Ce soir Fernand... Oh! Puis ce n'est rien... Bonne nuit.
    Un peu plus, et elle aurait parlé de la déclaration d'affection de ce grand jeune homme emprunté, car c'était bien de cela qu'il s'agissait. Elle se rattrapa juste a temps. Autrement, dès le lendemain matin, elle s'en serait voulu d'avoir, le temps d'une conversation, considéré cette intruse comme un membre de la famille.
    Au moment où, songeuse, Elisabeth referma la porte de la pièce, Thomas Picard rentra enfin a la maison, après une journée de travail qui, une fois soustrait le temps des repas, demeurait excessivement longue. Elle l'embrassa, prit son bras pour monter à l'étage.
    —    Notre héros?... interrogea-t-il.
    —    ... Dors sans doute déjà comme le grand enfant qu'il est. Tout de même, tu y es allé un peu rudement avec ces jeunes.
    —    Voyons, c'est le jeune Taschereau...
    —    Tu as abandonné ton rôle d'organisateur politique dans Québec-Est à son profit ?
    Le sourire qui séduisait le fils eut le même effet sur le père. Il expliqua :
    —    Non, bien sûr que non... Je ne pouvais tout de même pas conseiller moi-même à certains de mes employés de quitter leur poste en cachette pour lancer des cailloux...
    —    En direction de ton fils ! Alors tu as trouvé un mandataire.
    —    Taschereau s'est montré très enthousiaste à l'idée de jouer ce rôle. Les nationalistes ont raconté de telles insanités sur son compte...
    —    Il est apte à les leur remettre au centuple. La prochaine fois, dis-lui de se contenter des quolibets et des interruptions malpolies de l'orateur, ou alors enchaîne Edouard dans la cave. Autrement, tu risques de faire estropier ton principal héritier.
    La conversation se termina dans la chambre conjugale, située juste au-dessus du grand salon. Dans cette pièce, Elisabeth avait parcouru quelques biographies de Louis-Joseph Papineau, entre autres lectures.
    —    Je passe à côté, murmura Thomas en parlant de la salle d'eau attenante.
    —    Je te verse un cognac, en attendant ton retour. Il me faut te parler de ta fille. Elle a fait allusion à la mort de sa mère.
    —    Si tu ne peux pas ajourner ce sujet jusqu'à demain matin, double, le cognac.
    Les jours de grande toilette de la jeune femme se révélaient toujours propices aux rapprochements intimes. Après dix ans de mariage, le couple chérissait ses petits rituels. Toutefois, la conversation qui les attendait ruinait un peu ces projets.
    Chapitre 3
    Le lendemain matin à l'heure habituelle, Édouard retrouva son poste au service de livraison. Son père tenait à ce qu'il travaille quelques mois dans chacun des services du magasin, afin d'avoir une connaissance intime des opérations avant d'assumer vraiment des responsabilités administratives. Si en théorie cette disposition semblait un excellent moyen d'apprentissage, en pratique le comportement des employés s'adaptait à la présence du fils du propriétaire. Il en tirait une image un peu faussée de la réalité.
    Ce matin-là, le récit de sa mésaventure de la veille parcourut tous les étages du commerce à une vitesse ahurissante. Cela lui valut des sourires ironiques et quelques remarques sur les maux de tête des jeunes gens de la Haute-Ville. A la fin, plutôt que d'endurer la situation, il trouva le responsable des livraisons pour demander :
    —    J'ai besoin d'un peu d'air. À la place de me faire remplir les bordereaux de commande, pouvez-vous me mettre en équipe avec Melançon ?
    —    ... Vous êtes certain ?
    —Pourquoi pas ? Vous craignez que je ne puisse soulever quelques meubles ?
    Ce Melançon, Edouard se rappelait l'avoir vu la veille parmi les lanceurs de pierres les plus enthousiastes. Finalement, le contremaître approuva d'un signe de tête, puis lui fit signe de le suivre. Le service se trouvait au rez-de-chaussée d'un entrepôt

Weitere Kostenlose Bücher