Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
Québec, la vie de chacun était commentée par tous les voisins. Les péchés des autres paraissaient toujours plus attirants que les siens propres.
    —    ... Nous y allons? demanda encore le garçon. Avec les cours qui reprennent dès la semaine prochaine, ce ne sera plus possible.
    —    On ne verra pas grand-chose de plus que la dernière fois... Mais si cela te fait plaisir.
    Quelques minutes plus tard, sous les yeux des employés et des clients, le commerçant descendait l'escalier en tenant son fils par l'épaule, comme pour signifier qu'il s'appuyait sur lui avec confiance. Pour l'avant-dernier jour de cet emploi d'été, cela avait la valeur d'un diplôme. Un coupé les attendait déjà
    devant la porte.
    A Sainte-Foy, la campagne reprenait tous ses droits. Des vaches paissaient dans les champs des deux côtés de la route, parfois des moutons aussi. Après avoir parcouru le chemin conduisant à Cap-Rouge pendant près d'une heure, la voiture bifurqua sur la gauche. Longtemps avant d'atteindre la rive du fleuve, ils purent contempler la silhouette gracile, composée de poutrelles d'acier.
    —    C'est absolument extraordinaire, murmura Edouard en posant le pied sur le sol à proximité du vaste chantier.
    —    Oui, une véritable prouesse technique. Dire que dans moins de deux ans, des trains bondés de passagers, et aussi les interminables convois de marchandises, passeront sur ce pont.
    La fierté de Thomas Picard était d'autant plus grande qu'il comptait parmi les audacieux entrepreneurs de langue française qui participaient de leurs économies à la Société du pont de Québec, pour la plupart des libéraux recrutés par l'ancien premier ministre Simon-Napoléon Parent. Le commerçant en possédait au moins un petit bout !
    —    Nous marchons un peu dessus ?
    Edouard ne se contenterait pas d'admirer de loin ce maillon essentiel du second chemin de fer transcontinental du Canada. Il lui fallait contempler le fleuve, plus de cent-cinquante pieds plus bas, depuis la travée centrale. A titre d'actionnaire de la compagnie, le commerçant obtint des surveillants du chantier la permission de s'engager sur la longue construction, grâce à des planches posées sur l'armature métallique. Autour d'eux, des ouvriers s'affairaient comme des fourmis dans cet immense Meccano, certains grimpés dans les arches qui s'élevaient vers le ciel. Le climat posait d'énormes contraintes : il fallait avancer les travaux le plus possible pendant la belle saison, car bientôt commencerait la longue mise en veilleuse hivernale du site. Aussi, la journée de travail, débutée avec le lever du soleil, s'allongeait jusqu'à dix-huit heures au moins.
    Thomas tira machinalement sa montre de son gousset, l'ouvrit afin de voir combien de temps il restait avant le départ des travailleurs. Dix-sept heures trente-cinq. Ce jour-là, contrairement à la veille, il pourrait souper avec la famille.
    Puis un long frémissement sous ses pieds le força à lever les yeux. Il murmura :
    —    Tu as senti, toi aussi ?
    —    ... Tu crois que cela peut être un tremblement de terre ?
    Un bruit inquiétant se fit entendre, celui de l'acier frottant sur de l'acier, alors que le mouvement se faisait plus perceptible.
    —    Courez vers la rive ! hurla le commerçant en attrapant son garçon par l'épaule de sa veste pour l'entraîner derrière lui.
    Autour d'eux, des ouvriers se regardaient, incrédules. Puis le bruit, venu de l'extrémité sud de l'immense construction, devint assourdissant.
    À l'extrémité est de la Haute-Ville, des enfants profitaient des derniers jours de l'été dans un parc surplombant le fleuve.
    —    Ne vas pas te blesser, sinon maman va m'arracher la peau des fesses.
    Jamais Marie Buteau ne levait la main, ni même la voix, sur ses enfants, pas plus que leur père, d'ailleurs, 'toutefois,
    Mathieu aimait cette image du courroux maternel, au point de l'utiliser parfois.
    —    Ne crains rien, je fais attention, opposa la fillette d'une voix impatiente.
    —    Comme le jour où tu t'es foulé le poignet ?
    Avoir l'outrecuidance de rappeler un aussi mauvais souvenir méritait de se faire tirer la langue. I Italie allongea la sienne de façon appliquée, mais plutôt que de se pencher au-dessus du vide comme elle s'y apprêtait, juchée sur le mur qui, plusieurs décennies plus tôt, entourait complètement la ville, elle recula un peu et posa la main sur un gros canon de

Weitere Kostenlose Bücher