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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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alors l'accumulation de mauvais points pesait sur sa conscience. Lorsque le frère Dosité souligna la fin de la journée de ses cla-clangs sonores, c'est d'un pas normal qu'il quitta la classe, la sangle de son petit sac de toile contenant ses livres accrochée à l'épaule.
    De son côté, Pierre Grondin n'avait pas perdu son temps. Après avoir parcouru une petite distance dans la rue Saint-André, Mathieu vit l'adolescent sortir d'une encoignure de porte en disant :
    —    Tu négliges tes amis, ma belle. Ce midi, tu as disparu si vite que je n'ai pas eu le temps de te demander quelque chose.
    —Je ne suis pas une fille, protesta le garçon d'une voix hésitante.
    Mathieu tourna la tête pour regarder les deux autres s'approcher derrière lui. Il s'agissait d'un guet-apens. Encerclé, il lui devenait impossible de tourner les talons pour fuir à toutes jambes.
    —    Pourtant, ton père t'utilise comme une fille.
    Toujours cette même accusation, à laquelle Mathieu n'arrivait pas à donner son sens véritable. D'instinct, le garçon savait devoir réfuter l'affirmation. Toutefois, au lieu de crier sa contestation, il se défendit à voix basse, craignant d'attirer l'attention et, finalement, de se couvrir de honte. Tout au plus murmura-t-il en essayant de contourner son tortionnaire :
    —    Ce n'est pas vrai.
    Le dernier mot ressemblait trop à un sanglot pour ne pas conforter ses agresseurs. Pierre Grondin se déplaça vivement pour lui barrer la route, le repoussa brutalement des deux mains de façon à lui faire perdre l'équilibre en crachant entre ses dents :
    —    Tu brailles comme une fille.
    —    Je ne suis pas une fille, cria Mathieu.
    Il tomba contre un autre adolescent, qui le projeta vers le troisième, qui le propulsa à son tour vers le meneur. Celui-ci accrocha le garçon par sa veste, fit voler les boutons en la tirant brutalement, puis ajouta :
    —    Je ne te crois pas, tu vas devoir le prouver.
    La bousculade obéissait à une stratégie: poussé et tiré, Mathieu se faisait irrémédiablement entraîner vers une porte cochère percée dans une rangée de maisons d'habitation. Elle donnait sur une cour, au fond de laquelle se dressait une écurie grossièrement construite. En essayant de leur échapper, la victime dit encore :
    —    ... Qu'est-ce que tu veux dire ?
    —    Si tu es un garçon, tu as quelque chose dans la culotte.
    Mathieu s'arc-bouta, planta les talons dans le sol et essaya de
    résister aux mains qui le remorquaient vers l'écurie. Il réussit à faire lâcher prise à Grondin, mais un autre adolescent le rattrapa en le saisissant au corps, lui immobilisant les bras le long des flancs.
    —    Sale petite salope, cria le meneur en s'approchant, le poing levé.
    Le coup éclata contre le visage de Mathieu, sur la joue gauche, à la hauteur de la bouche. L'impact se révéla si fort que le voyou qui le tenait lâcha prise. Le garçon tomba au sol, étourdi. L'un des agresseurs l'attrapa par le col de sa veste, visiblement pour le traîner vers l'écurie. Heureusement, le bruit d'une fenêtre que l'on ouvrait précéda une voix sonore, celle d'un homme dans la force de l'âge:
    —    Que faites-vous là ?
    —    Nous jouons, répondit Grondin.
    —    Un joli jeu, à trois contre un petit. Déguerpissez. Si je vous revois, vous aurez affaire à la police.
    Dans une petite ville comme Québec, personne ne demeurait assuré de son anonymat. Non seulement cet homme signalerait la présence de vauriens dans sa cour, mais peut-être donnerait-il aussi des noms. Les adolescents se concertèrent du regard, pour décider de s'enfuir. Toutefois, Grondin ne se priva pas d'un dernier petit plaisir: il asséna un coup de pied dans les côtes de sa victime.
    Mathieu avait récupéré juste assez pour avoir l'esprit à peu près clair. Le second impact lui coupa le souffle, sa vision s'obscurcit de nouveau.
    —    Ça va, le gamin ? demanda la voie bourrue depuis l'embrasure de la fenêtre.
    —    ... Oui, réussit-il à prononcer, alors que sa respiration reprenait son cours.
    —    Tiens-toi loin de ces sauvages. Il faut être un dangereux salaud pour frapper à coups de pied un adversaire à terre.
    Après ce constat sur l'éthique prévalant dans les bagarres entre écoliers, l'homme referma sa fenêtre avec un bruit sec. Mathieu, toujours étendu sur le sol, réussit à se redresser en s'aidant de ses mains. Il cracha par

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