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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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maintenus dans le catholicisme en nous empêchant d'entendre le prosélytisme des protestants, et parce que nous sommes catholiques, nous devons nous soumettre en tout au clergé. Magnifique construction logique...
    Le garçon réfléchirait souvent à cette phrase, dans les prochains jours, au point de la soumettre à l'un de ses professeurs.
    —    Un mauvais esprit comme moi pourrait penser que le premier souci de nos bons prêtres est de garder leur pouvoir intact, continua le mécréant. Tu sais, une tête ne sert pas seulement à porter un canotier ou un melon : à ton âge, tu peux aussi réfléchir par toi-même... Mais si je continue, enchaîna-t-il d'un ton enjoué après une pause, je vais te garder sur ce trottoir jusqu'à la première neige. Ces jours-ci, il me semble particulièrement important que mes semblables apprennent à vivre et à foutre la paix aux autres. Tu allais vers le magasin ?
    Le chemin le plus court, pour passer de la rue Saint-Dénis au quartier Saint-Roch, passait par la Côte-de-la-Canoterie, située à peu de distance.
    —    Non. Un mardi, il ne s'y trouve plus personne à cette heure-ci. J'allais à la taverne, au coin.
    De la main, il indiqua un établissement dans la rue Saint-Jean, le lieu habituel de rencontre des étudiants.
    —    Bien du plaisir, alors, termina l'homme en tendant la main. Moi, je vais souper.
    Us se quittèrent sur ces mots.
    Alfred se rendit jusqu'à l'embrasure de la porte de son commerce, sortit sa clé de sa poche, puis regarda son neveu descendre la rue de la Fabrique. Ses dernières paroles figureraient dans l'interminable répertoire de ses mensonges véniels. Quand Edouard disparut au coin de la rue Saint-Jean, il se mit en route d'un pas rapide pour rejoindre la rue McMahon, juste en face de l'Arsenal.
    Depuis quelques jours, l'homme épluchait l'annuaire de la ville de Québec afin de débusquer tous les Grondin, puis il se rendait au domicile de chacun avec l'espoir d'apercevoir un visage familier. Ce genre d'expédition ne lui apprit rien et lui coûta bien du temps. Figurer dans ce petit volume demeurait sans intérêt pour les personnes d'origine modeste; surtout, les éditions paraissaient de façon irrégulière et les habitants de la ville conservaient la fâcheuse manie de déménager souvent. Cette stratégie ne le conduisant nulle part, la veille il avait abandonné son poste de vigie près de l'église St. Andrew pour suivre Pierre Grondin au moment où il quittait l'école.
    Ce soir, il entendait bien en apprendre un peu plus. Dans la rue McMahon, l'adolescent monta à l'étage d'un petit immeuble pour entrer dans un appartement. Pas plus que le patronyme, l'endroit ne rappela rien à Alfred. Un moment, il eut envie de frapper à la porte pour demander à parler avec le maître de maison. La crainte de se voir un jour accusé de harcèlement l'incita à une attitude plus prudente. D'un pas vif, il traversa la rue, frappa à l'appartement du rez-de-chaussée. Après quelques minutes, une grosse femme vint ouvrir, un enfant morveux de deux ou trois ans posé sur la hanche.
    — Pardonnez-moi, Madame, commença-t-il en enlevant son chapeau, son sourire de marchand sur les lèvres, peut-être pouvez-vous m'aider. Je dois remettre une lettre à monsieur Grondin, mais personne ne m'a répondu.
    —    Je peux la prendre.
    —    C'est très gentil de votre part, mais je dois la remettre en main propre.
    —    Et là haut, son garçon n'a pas répondu ?
    Alfred secoua la tête en espérant qu'elle ne lui offre pas de monter elle-même.
    —    Pourtant, il doit être rentré de l'école.
    —    Ça ne répond pas. Madame Grondin ne semble pas être là non plus.
    —    Vous ne savez pas ? Elle est morte il y a des années.
    La dame le regarda d'un air soupçonneux. La candeur du sourire et les paroles de son interlocuteur la rassurèrent tout à fait.
    —    Vous savez, on me demande de livrer une lettre en main propre. Je ne connais pas du tout ce monsieur. Si vous savez où il travaille, je vais m'y rendre et tout sera réglé.
    —    ... En autant que je le sache, il est serveur au Cheval blanc.
    —    Je connais. Je vous remercie infiniment. Avec un peu de chance, je l'attraperai là-bas. Sinon, je reviendrai ici demain avant le lever du soleil. Je vous souhaite une excellente soirée.
    Alfred inclina la tête, remit son chapeau et regagna le trottoir. A l'étage, la lueur vacillante d'une

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