la Bible au Féminin 03 Lilah
Elle ne pouvait être plus près de la couche de la reine. Que voulait-elle de plus ?
— Faites-la tourner, ordonna le troisième échanson. Les deux jeunes servantes glissèrent au bas de la couche pour saisir chacune un poignet de Lilah. Lui écartant les bras, elles la firent tournoyer sur elle-même comme une toupie.
*
* *
Maintenant, Lilah comprenait pourquoi on l’avait contrainte à porter cette tunique qui la dénudait à demi. Les servantes continuaient de la faire tourner. Elle ferma les yeux. La honte et la colère lui brouillaient le cœur autant que le tournoiement qu’on lui imposait. Elle n’avait pas besoin de voir les regards de la reine et de l’échanson. Il lui semblait que chaque parcelle de sa chair nue s’écorchait à leur curiosité.
— Eh bien, Cohapanikès, qu’en penses-tu ?
— Elle est belle, ma reine. Une belle fille, cela se voit au premier coup d’œil.
Parysatis opina. Ils la regardèrent tournoyer de plus en plus vite, la courte tunique se soulevant sur ses cuisses. Puis, d’un claquement des doigts, la reine ordonna aux servantes de lâcher les bras de Lilah.
Celle-ci dut faire un effort pour garder son équilibre. Relevant les paupières, puisant loin dans son courage, elle regarda la reine.
Le fin réseau de rides qui entourait les yeux de Parysatis se plissa. Les iris bleus se resserrèrent, froids et calmes, aussi impassibles que les pupilles d’un serpent à l’affût.
— Belle, mais pleine d’orgueil, cela aussi ça se voit, remarqua-t-elle sans élever la voix.
— Il faut convenir qu’Antinoès n’a pas mauvais goût, s’amusa encore l’eunuque. On raconte aussi que les Juives sont prudes dans l’amour, mais pas dénuées de savoir.
— Tais-toi, échanson ! gronda Parysatis. Garde ta langue pour mon vin !
Cohapanikès cessa de sourire. Les plis de son visage se figèrent. Les notes de la harpe vibrèrent comme des menaces dans le silence tandis que, un instant encore, Parysatis détaillait Lilah.
Brusquement, la reine repoussa la cape qui la couvrait et tendit les mains. Les jeunes servantes se précipitèrent pour la soutenir tandis qu’elle quittait sa couche.
Debout, Parysatis ne dépassait guère les fillettes qui la servaient. Entre les pans de sa cape, la finesse de la tunique laissait apparaître un corps plus jeune et plus ferme que Lilah ne l’avait imaginé. Les marques de l’âge sur son visage n’en paraissaient que plus étranges. Parysatis se rendit compte de sa surprise et lui adressa un regard railleur.
— Tu m’as crue plus vieille que je ne suis, n’est-ce pas, fille Lilah ? C’est cela, la jeunesse. On voit des rides sur un cou et l’on pense que la femme est vieille.
— Ma reine…
Parysatis l’interrompit d’un signe.
— Tais-toi ou tu vas me mentir. Il ne faut jamais me mentir.
Ses traits se détendirent. Elle s’approcha encore, leva sa main baguée, effleura le bras nu de Lilah. Ses doigts étaient doux et tièdes. Ils glissèrent de l’épaule à la nuque. Lilah tressaillit et dut faire un effort pour ne pas reculer. Les doigts de la reine imprimaient de petites pressions, glissant sur sa poitrine et pressant encore comme si elle cherchait les os sous la chair. Ce n’était pas une caresse, plutôt de la curiosité. Lilah songea qu’elle la palpait comme elle aurait examiné un animal.
— Tu as une belle peau, conclut-elle. Quel âge as-tu ?
— Vingt et une années.
— Et tu n’as pas encore eu d’enfant ?
— Non, ma reine.
Parysatis gloussa. Sa bouche s’ouvrit sur un sourire qui révéla de petites dents dont beaucoup était aussi noires que du charbon. Elle se tourna vers le troisième échanson, qui l’avait rejointe, et semblait immense à son côté.
— Tu entends ça, Cohapanikès ? Vingt et une années ! À peine plus jeune que ce palais ! Elle devrait avoir un époux depuis longtemps ! À ton âge, ma fille, toutes les nuits le grand Darius cherchait l’or de son trône entre mes cuisses et j’avais déjà enfanté le Roi des rois qui est ton maître aujourd’hui.
Elle eut un rire aigu qui secoua sa poitrine. Dans un geste qui parut cette fois étonnamment amical, elle se saisit de la main de Lilah.
— Viens, suis-moi.
Elle l’entraîna entre les colonnes. Servantes, eunuques, échanson, musicienne et gardes leur emboîtèrent le pas à quelques coudées de distance.
— Tu n’as plus ni père ni mère, remarqua
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