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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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Une fois,
nous buvions dans le mess des officiers et il était bourré. Il s’est approché
de moi : « Comment ça se fait, Wax, qu’on ne voit pas plus d’étoiles
de David que ça dans le cimetière ? » Je me suis jeté sur lui, je l’ai
attrapé au collet, et je lui ai dit : « Nom de Dieu, on ferait bien d’ouvrir
une brèche dans les lignes pour t’expédier à Lublin. » On venait juste d’y
découvrir le camp de la mort. Il a fallu qu’on nous sépare. Je n’ai pas pu
dormir de la nuit.
    Le lendemain, je suis allé trouver l’adjudant pour lui dire :
« Je suis volontaire pour une affectation au combat. Je veux également
porter plainte contre ce salaud. » Le dénouement de l’affaire c’est qu’ils
m’ont obligé à renoncer à ma demande et à retirer ma plainte contre ce type. Il
a accepté de s’engager à ne plus boire tant qu’il serait à ce poste, et m’a
personnellement présenté ses excuses. Il n’a plus jamais rien dit contre les
Juifs. Vous savez ce qu’ils ont fait ? Ils l’ont promu lieutenant-colonel,
et moi capitaine. C’est pas dégueulasse ?
    Après ça, j’ai couru sur les chemins de la gloire. Tous ceux
qui arrivaient en Europe me passaient entre les mains. J’ai écrit des petits
articles sur le caractère de la guerre. Je publiais un journal baptisé Les
Éructations de Hitler, ou le Rot quotidien. Parce qu’on entendait toute la
propagande qu’ils destinaient aux GI. Je travaillais à l’aide de grandes cartes
sur lesquelles je montrais les positions des forces soviétiques et américaines.
Le but essentiel de toute cette merde c’était de convaincre les GI qu’ils ne se
battaient pas seuls. Il y avait à peu près trois cents divisions soviétiques en
marche vers le front ouest, et nous avions en tout à peu près cent divisions. Trois
contre une. Malgré cela, pas moyen de faire entendre aux GI qu’ils n’étaient
pas les seuls à se battre dans cette saloperie de guerre.
    Il m’est arrivé de travailler avec trois, quatre mille
hommes à la fois, avec des micros. Je leur disais : « Les gars, vous
pensez que ce que je vous raconte c’est des conneries, mais je vais faire un
truc auquel vous ne vous attendez sûrement pas. Je vais vous montrer une grande
carte des opérations ». Je me faisais huer. Puis avec une baguette, je
leur montrais toute cette connerie de truc.
    Quand la guerre a commencé à toucher à sa fin, nous avons
traversé l’Allemagne à toute vitesse. Je me suis précipité vers la seule chose
qui m’intéressait vraiment : l’opéra de Nuremberg. Je voulais le voir. À l’intérieur
il y avait la loge de Hitler. Je suis arrivé à Nuremberg une douzaine de jours
à peu près après la prise de la ville par la 3 e armée qui a ensuite
pris Munich. Ils filaient vers le sud.
    Ils n’ont pas voulu me laisser entrer : « Nous
avons ordre formel d’interdire l’accès. » Je suis allé trouver le
responsable : « Qu’est-ce qui se passe, bordel ? » Il m’a
répondu : « Nous sommes chargés de garder seize danseuses. » Je
lui ai dit : « J’en ai rien à foutre de vos danseuses. Ce que je veux
c’est faire des spectacles là-dedans. » On s’est un peu engueulés et il a
fini par me laisser la moitié de l’opéra. Il y avait un gigantesque trou de
bombe dans le toit. Il y avait la loge de Hitler, celle de Goebbels. C’était un
bel opéra. J’y ai fait venir les Lunts, Alfred et Lynn Machin, je ne sais plus
quoi. Ils ont été merveilleux.
    On était prêts à retourner chez nous, et je n’avais pas un radis.
Je savais qu’il fallait partir, reprendre le collier, retrouver la vie civile, et
je n’avais pas la moindre idée de ce que je pourrais faire. Je ne savais ni où aller
ni quoi faire. Dans les mois qui allaient venir, ils nous mettraient dans un
train pour Le Havre, et nous embarqueraient sur un bateau pour l’Amérique. Je
sentais qu’il n’y avait rien pour moi là-bas. Je savais seulement qu’il fallait
que je prenne mon courage à deux mains et que je recommence à zéro.
    La dernière chose que j’ai faite pendant la guerre ç’a été
de prendre un train de troupes de Bamberg au Havre. Ce train amenait le 101 e aéroporté de Berlin. Ils s’étaient battus aux côtés des Russes et le
commandement ne tenait pas à ce qu’il y ait des salades avec eux. J’écoutais
les gros bonnets d’officiers américains dire : « On aurait dû les
liquider. » Ils ne

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