La bonne guerre
participer à une
tournée de représentations pour les gars. Mon capitaine m’a dit : « Si
jamais tu t’en vas faire ce spectacle, je te préviens qu’après je ne te louperai
pas. On est dans l’infanterie, nom de Dieu. » Quand je suis revenu à la
fin de la tournée, cet enfant de salaud m’a fait astiquer des poêles d’aluminium
pendant six semaines, tous les jours sans exception. J’ai découvert plus tard
dans le règlement qu’un homme ne pouvait pas être de corvée plus d’une fois
tous les trente jours, mais les types d’active s’en foutaient totalement.
J’étais dans le premier groupe d’instruction qu’ils
appelaient « les merveilles de treize semaines ». Je suivais un
entraînement pour devenir officier de défense antiaérienne. Je me suis foutu de
leur gueule en leur faisant croire que je connaissais les maths. J’étais avec
des types qui sortaient de l’université. C’est comme ça que je me suis retrouvé
dans une école d’élèves officiers.
Tous les officiers avec moi pensaient que c’était du tout
cuit. Qu’on passerait le reste de la guerre à former des hommes dans le Sud. Mais
moi j’étais décidé à prendre effectivement part à la guerre. Je continuais à
lire des choses qui m’intéressaient.
J’ai lu un type très fin qui disait que les Russes
arrêteraient les nazis à Stalingrad. Je l’expliquais aux hommes que je formais.
Mon sous-lieutenant venait me trouver : « Dis donc, Wax, d’où est-ce que
tu sors toutes ces conneries ? » Je lui disais : « Du
journal de l’infanterie, mon lieutenant. » Il me disait : « Merde
alors, je ne le trouve pas dans le journal ! » Et je lui répondais :
« Pourtant ça y est. »
J’ai entourloupé mon commandant pour qu’il m’autorise à
quitter ce groupe de formation, et je suis parti en Europe. J’ai débarqué au
sud du pays de Galles, à Swansea, en décembre 43. On nous a transportés dans un
coin près de Birmingham. On était hébergés chez des civils. Les filles qui
étaient employées dans les usines ne mangeaient pas à leur faim. Elles venaient
traîner devant nos maisons. On n’avait qu’à faire un petit signe de la tête à
la fenêtre pour que les femmes entrent, et aussitôt on se retrouvait au lit. Je
me souviendrai toujours d’un type qui s’appelait Murphy et qui disait :
« Je m’en fais trois par jour. » (Il rit.) Moi ce petit jeu-là
ne m’intéressait pas, même si j’en faisais entrer une ou deux de temps en temps.
Je n’allais tout de même pas rester assis derrière la fenêtre à regarder le
paysage !
Ils n’avaient pas d’ordinateurs à l’époque. Ils avaient des
cartes perforées, et on avait tous une fiche 20. Ils nous classaient dans
diverses catégories. Ils ont découvert, je ne sais pas trop comment, que j’avais
une expérience de gestion, et ils m’ont envoyé dans un PX. Au lieu d’envahir l’Europe
j’allais tenir un PX en Angleterre. Je me suis soûlé ce jour-là.
J’ai jeté un coup d’œil au planning, et je me suis soudain
rendu compte que j’étais à la tête d’un empire. J’avais quatre officiers et
cent quatre hommes sous ma responsabilité. J’ai donc pris la direction du truc,
et je ne me suis pas ennuyé !
Je suis allé dans le Sud de l’Angleterre pour installer le
premier PX destiné aux hommes qui venaient en Europe, la relève. Les bateaux
arrivaient plus rapidement à ce moment-là. J’étais à Yeovil, une charmante
petite ville. J’ai installé cinq magasins, dont certains dans des tentes sur
les collines. Je faisais venir de la bière de Bristol et de Londres. J’avais
des coiffeurs et des horlogers. Je contrôlais tout le commerce de Zippo du Sud
de l’Angleterre. J’avais pas mal de pouvoir.
Il me passait tout un tas d’argent entre les mains. Je
faisais rentrer 40 000 dollars par mois rien qu’en bière et plus de 125 000
dollars en bonbons et en cigarettes dans les PX. Dès la première heure je me
suis trouvé devant un choix terrible ; je me suis dit : « Ray, tu
te sers ou tu ne te sers pas ? » J’ai décidé que je ne pouvais pas
voler. Combien de personnes ont l’occasion dans leur vie d’avoir entre les
mains une boîte de cigares contenant 40 000 dollars qui n’ont pas été
comptés ? J’ai fait ça pendant les sept mois qui ont précédé le
débarquement en Europe. Tout ce que j’en ai tiré c’est un vélo, et je l’ai
laissé quand je suis
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